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les prairies naturelles et artificielles ont pris un grand développement. En outre le poids moyen des bestiaux présentés sur les marchés a évidemment augmenté, grâce au perfectionnement des méthodes d’élevage. Enfin la consommation de la viande de boucherie, dans les campagnes comme dans les villes, s’est sensiblement accrue. La consommation des campagnes ne peut être évaluée d’une manière rigoureuse, mais il suffit de jeter les regards autour de soi pour observer le fait, que constatent d’ailleurs toutes les statistiques locales. Quant à la consommation dans les villes, elle peut être indiquée assez exactement, car ici les chiffres de la statistique reposent sur la perception des droits d’octroi. Or, dans les villes de 10,000 âmes et au-dessus, la quantité de viande consommée s’est accrue, depuis vingt ans, de 5 kilogrammes environ par individu. À Paris, l’augmentation a été beaucoup plus forte ; elle représente, pour la viande de boucherie, 14 kilogrammes, tandis qu’elle a été peu importante pour la viande de porc. En résumé, de 61 kilogrammes et demi par tête pour la période 1831 à 1840, la consommation dans la capitale s’est élevée à 76 kilogrammes en 1858. Il est donc incontestable que la production du bétail s’est développée, qu’elle s’est améliorée, que sous le double rapport de la quantité et de la qualité l’agriculture française a réalisé des progrès sérieux, provoqués par les demandes toujours croissantes de la consommation.

Cette production n’est pas au niveau des besoins ; depuis le commencement du siècle, le prix de la viande a éprouvé une hausse considérable, qui excède la proportion du renchérissement général résultant de l’élévation du prix de revient et de la dépréciation monétaire. On peut en juger par la statistique du prix moyen annuel de la viande sur pied aux marchés de Sceaux et de Poissy : en 1810, le kilogramme de bœuf valait 97 centimes ; en 1855, il a valu 1 fr. 31 cent. Cependant il y a eu, d’une période à l’autre, une véritable révolution dans les moyens de transport, et l’approvisionnement de la capitale par les routes, puis par les chemins de fer, est devenu de plus en plus facile. Certes ce mouvement continu de hausse, qui s’est manifesté à peu près également sur tous les points du territoire, est préjudiciable pour le consommateur ; mais si l’on ne considère que l’intérêt du producteur, il promet à l’agriculture une source abondante de bénéfices, puisque la demande est et sera longtemps encore supérieure à l’offre, et que par conséquent le prix de vente du bétail sera largement rémunérateur. Combien donc étaient puériles les craintes exprimées en 1853, lorsque, par un décret provisoire rendu en pleine disette, le gouvernement eut l’idée de porter la main sur le tarif des bestiaux étrangers et de substituer le droit de 3 francs par tête à la taxe de 50 francs, qui datait de 1822 ! Ne disait-on pas que l’agriculture allait périr sous