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nécessités pressantes, de vendre leurs droits électoraux aux villes, puis de les leur retirer afin de les leur revendre encore.

Constamment préoccupé des intérêts de la marine, le cardinal de Richelieu porta sur la Bretagne toute sa sollicitude et ses soins les plus assidus. Afin d’avoir un pied dans cette grande province, il voulut se faire attribuer le titre de gouverneur de Nantes. Ce fut à la ville où une conspiration féodale avait fait mourir Pierre Landais que l’inexorable fondateur de l’unité monarchique réserva le spectacle de ses plus terribles justices. La tête du brûlant comte de Chalais tomba au lieu même où avait expiré un siècle et demi auparavant l’un des plus redoutables ennemis de l’aristocratie française. À la suite de cette exécution, Richelieu contraignit César de Vendôme, à qui Henri IV, son père, avait procuré la main de la fille unique du duc de Mercœur, à démolir toutes les places et châteaux fortifiés compris dans les vastes domaines des Penthièvre. Les plus pittoresques ruines du pays datent de cette époque et ont été accomplies d’ordre royal. Sous le lierre qui en recouvre les débris, régulièrement entassés, on sent moins l’œuvre des siècles que celle du despotisme. Le fier gouverneur de Nantes eut d’assez fréquens démêlés avec la grande commune, gardienne jalouse des prérogatives municipales. Il ne put, paraît-il, déterminer les Nantais à livrer, pour le siège de La Rochelle, les pièces d’artillerie qui garnissaient leurs remparts. Sur leur refus réitéré, Richelieu n’insista point, passant à des bourgeois ce qu’il n’aurait point passé à de grands seigneurs. Les droite des états de la province furent d’ailleurs presque toujours respectés sous son ministère, et, par une exception qui dut lui coûter beaucoup, le cardinal consentit à ne pas appliquer, à la Bretagne le système des intendances. En somme, celle-ci n’eut pas trop à se plaindre de Richelieu, malgré les fantaisies demeurées proverbiales de Mme de La Meilleraie, sa nièce, femme du gouverneur, qui n’eut jamais d’ailleurs le dernier mot dans la guerre d’insolences engagée par elle contre la société bretonne.


III

La Bretagne, devenue française sans abdiquer sa vie historique, profita singulièrement de cette situation exceptionnelle durant la première moitié du XVIIe siècle, et elle en témoigna sa reconnaissance à la royauté en demeurant parfaitement étrangère à toutes les tentatives de la fronde. Pendant que les chefs de ce mouvement remuaient le royaume, faisant appel dans le midi à toutes les irritations provinciales, à tous les souvenirs mal éteints, l’ouest jouissait d’un calme profond. Le cardinal de Retz, prisonnier au château de