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première phase de l’évolution universelle. Elle nous a montré l’idée sous sa forme abstraite et générale, en dehors du temps et de l’espace, dans sa pure virtualité. Or l’idée à l’état logique éprouve un besoin que Hegel n’a pas suffisamment expliqué, mais qu’il faut bien admettre, le besoin de sortir d’elle-même et de se nier ; la conséquence en est qu’elle devient nature et que la logique fait place à la philosophie de la nature. Ici nous traversons successivement l’ordre mécanique, l’ordre physique, le règne organique. L’esprit (c’est l’autre nom de l’idée), en se plongeant dans la nature, en s’y dissimulant, ne laisse pas de s’y développer ; par cela seul qu’il la produit et en la produisant s’y manifeste, il y revêt plus de réalité ; il continue de prendre conscience de soi, de devenir toujours plus égal à lui-même, idée de l’idée, connaissance de l’absolu. Maître enfin de soi, il apparaît tel qu’il est, et la philosophie de la nature disparaît derrière la philosophie de l’esprit. Toutefois là encore nous avons à passer par des phases d’évolution analogues à celles que nous avons déjà parcourues. L’esprit est esprit, mais il a encore à devenir esprit absolu. Que dis-je ? L’absolu a des degrés, et s’il est déjà présent dans l’art, s’il se manifeste sensiblement dans la religion, ce n’est que dans la philosophie, à savoir dans la philosophie de l’absolu, qu’il prend définitivement conscience de soi et célèbre l’identité du sujet pensant et de l’objet pensé. L’absolu n’est pleinement réalisé que lorsque la notion de l’absolu s’est fait jour, car cette notion est nécessairement l’absolu lui-même dans un système où l’idée fait un avec la substance, où la connaissance fait un avec la réalité. À ce point de vue, la philosophie de l’absolu sera en même temps la philosophie absolue, et celle-ci ne sera autre chose que l’absolu devenu absolu.

La logique, la philosophie de la nature et la philosophie de l’esprit sont à la fois les trois termes du syllogisme de l’univers, les trois actes du grand drame de l’absolu, et les trois parties de l’Encyclopédie des sciences philosophiques.


IV

Je viens d’esquisser la pensée de Hegel ; je voudrais maintenant l’apprécier, non pas toutefois en y appliquant des données toutes faites, mais en me plaçant autant que possible au centre du système pour le juger sur sa propre cohérence. Un mot d’abord sur l’organisation de ce système, telle qu’elle se montre dans l’Encyclopédie.

Les parties dont se compose cet ouvrage ne s’enchaînent point par un lien naturel et nécessaire. Je veux bien que la nature soit une forme oie l’esprit, et que l’absolu se déguise sous des manifestations inférieures avant d’arriver, dans l’homme, à une expression plus digne