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Permettre aux députés d’exercer une influence réelle sur les lois et sur les intérêts positifs du pays, au risque de voir modifier quelques mesures et retrancher quelques sommes des budgets, ce serait faire beaucoup plus qu’on n’a fait pour l’indépendance et la considération du corps législatif ; ce serait faire beaucoup plus pour mériter sa reconnaissance et pour le recommander à celle de la nation.

Ce n’est pas à dire qu’il faille désespérer de voir des progrès intéressans et peut-être imprévus sortir de la prochaine session. Beaucoup de fermeté d’un côté, beaucoup de modération de l’autre pourront amener d’utiles résultats, et si la politique, la politique extérieure surtout, reste soustraite à l’influence salutaire des représentans du pays, ils pourront cependant rendre à la société, à la fortune de l’état des services dont l’occasion leur a manqué jusqu’à ce jour.

Deux conditions encore sont essentielles pour assurer la première assise de l’édifice dont on se plaît à promettre le couronnement à notre avenir : la liberté électorale doit être mise à l’abri de tout soupçon ; la presse périodique doit être affranchie du pouvoir dictatorial et discrétionnaire qui pèse sur elle, ainsi que le reconnaît loyalement la circulaire ministérielle du 7 décembre. La presse ne peut cesser d’être assujettie aux garanties indispensables à l’ordre public, à la morale, à la sécurité des citoyens, garanties qu’elle a eu le malheur de ne pas respecter toujours ; elle porte durement, comme bien d’autres, le châtiment de fautes dont tous ne furent pas coupables : c’est le sort commun de l’humanité ; mais, grâce à Dieu, il n’est pas impossible qu’un législateur éclairé trouve dans l’expérience du passé les moyens de prévenir le mal que peut faire la presse sans priver la liberté de services qu’elle seule peut lui rendre.

Qu’il me soit permis de citer ici quelques mots du discours que prononça M. Casimir Perier la première fois qu’il monta à la tribune, dans la discussion de la loi sur la presse, en 1817 : « La liberté des journaux, disait-il, a un avantage que j’ai d’autant plus à cœur d’établir qu’il a rapport aux objets qui me sont le moins étrangers. Elle est une des bases du crédit public ; ce crédit n’existera point tant qu’il faudra lire des volumes pour avoir une idée nette de votre situation financière, tant que vos opérations seront préparées dans l’ombre. Les affaires d’argent doivent être claires comme le jour ; la publicité seule déjoue les manœuvres intéressées et fait avorter les plans spécieux suggérés par l’égoïsme, et souvent quelques lignes d’un journal provoquent une discussion qui rétablit la confiance et dissipe toutes les alarmes. » Ce qui pouvait être vrai en 1817 ne le serait-il plus aujourd’hui, ou n’y aurait- il plus de