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été trop souvent exercé en d’autres temps, au grand détriment de tous. Le droit d’amendement, livré sans limites au gré des volontés individuelles, a de graves inconvéniens auxquels à diverses époques on a essayé de parer avec plus ou moins de succès. L’article 46 de la charte de 1814 était ainsi conçu : « Aucun amendement ne peut être fait à une loi, s’il n’a été proposé ou consenti par le roi et s’il n’a été renvoyé ou discuté dans les bureaux. » On recula dès l’origine devant l’application des règles posées dans cet article, destiné, d’après l’ordonnance du 13 juillet 1815, à être révisé par le pouvoir législatif. L’ordonnance du 5 septembre 1816 maintint entière la charte de 1814 ; quoi qu’il en soit, l’article 46 tomba en complète désuétude et ne fut jamais appliqué.

Après 1830 et jusqu’en 1848 ; aucune entrave ne fut apportée au droit d’amendement ; mais il suffit de rappeler les dispositions du règlement de l’assemblée législative de 1849 pour montrer que les moyens ne manqueraient pas contre l’abus des amendemens. Ce qui est nécessaire, c’est que ces moyens, tels que le renvoi obligatoire aux bureaux ou aux commissions, et, si l’on veut, leur adhésion avant la mise en délibération, ne soient pas cherchés hors du corps chargé de les appliquer, et ne le soumettent pas à une police qui lui soit étrangère. Le but est en effet, non de restreindre les prérogatives de l’assemblée, mais de la protéger contre le mauvais emploi qui peut être fait de son temps lorsqu’on la force pour ainsi dire à discuter des amendemens oiseux ; il faut éviter aussi que, par suite d’une confusion, d’une erreur, d’une surprise, un amendement ne réussisse à passer pour être bientôt regretté. Ces inconvéniens toutefois, très graves s’il s’agit d’assemblées qui exercent le pouvoir législatif d’une manière souveraine, comme dans la constitution de l’an in ou dans celle de 1848, ces inconvéniens, dis-je, ne sont plus les mêmes en présence de la nécessité de la sanction du chef de l’état, toujours maître de donner ou de refuser cette sanction.

Il ne faut pas confondre, malgré certains rapports, le droit d’amendement avec le droit d’initiative et diriger contre le premier des objections qui ne s’adressent en réalité qu’à ce dernier. Le droit d’amendement, contre-balancé par la réserve, entre les mains du chef de l’état, du droit d’initiative et de sanction des lois, ne peut être refusé aux représentans du pays sans que leur rôle devienne, par cela seul, bien différent de celui que leur assurent les principes de 1789, si souvent invoqués, si rarement compris ou appliqués. Due assemblée privée du droit d’amendement en est réduite ou à entraver la marche du gouvernement par sa résistance, ou à-le suivre. dans une complète docilité ; c’est moins, à proprement parler, un corps délibérant qu’une commission consultative.

J’ai jugé indispensable de donner quelque étendue à ces explications,