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rien dans les lois et dans les budgets ne pouvant être changé sans sa permission, il exerce de fait la puissance législative à un degré plus élevé que le corps législatif.

Dès 1852, l’ensemble de ces combinaisons compliquées paraissait assez défectueux pour que M. le comte de Chasseloup-Laubat, rapporteur du budget de 1853 et aujourd’hui ministre de la marine, s’exprimât en ces termes : « Notre tâche, qu’on nous permette de le dire, n’était pas sans difficulté, et par le peu de temps qui nous était donné, et par la complication des rapports entre le gouvernement et la commission. Autrefois, vous le savez, les communications nécessaires en pareil cas existaient directement entre les commissaires et les ministres. C’est à ceux-là qu’on s’adressait pour obtenir les documens indispensables à l’examen des affaires ; ils venaient eux-mêmes, avec les chefs de leurs différens services, donner des explications suffisantes souvent pour prévenir toute discussion ultérieure, et les résolutions que la commission du budget arrêtait après les avoir entendus étaient directement soumises à la chambre. Aujourd’hui nous ne pouvons avoir de rapports avec le gouvernement que par l’intermédiaire du conseil d’état, qui, confident et organe de sa pensée, a seul le droit de transmettre au corps législatif les documens qu’à son tour il se fait remettre par les ministres. En un mot, pour les rapports écrits comme pour les communications verbales, les commissaires du gouvernement remplacent les ministres, avec lesquels ils ont dû préalablement s’entendre. Quant aux modifications que la commission peut vouloir proposer, soit par suite de l’adoption d’amendemens présentés par des députés, soit d’après son propre examen, elles doivent, avant que vous ne soyez appelés à en délibérer, être renvoyées au conseil d’état et y être discutées. Là (il est impossible de ne pas le faire remarquer) elles n’ont pas d’interprètes, pas de défenseurs officiels. Ce mode de procéder parait résulter de la constitution elle-même, et si nous vous en parlons, c’est uniquement pour vous montrer qu’il a dû entraîner des lenteurs dans l’accomplissement de la tâche de la commission du budget. »

Non-seulement, comme le disait M. le comte de Chasseloup, le corps législatif n’a pas d’interprètes et de défenseurs officiels devant le conseil d état, mais il est impossible qu’il n’y rencontre pas des adversaires un peu partiaux. Ce serait trop compter sur la perfection humaine que de croire qu’un corps qui a préparé une loi et l’a rédigée n’ait pas quelquefois pour son œuvre une prédilection qui lui fasse accueillir avec peu de faveur des critiques et des modifications émanées d’un autre corps. Les commissaires du gouvernement occupent