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C’est un palliatif insuffisant aux graves inconvéniens qu’offre l’interdiction de présenter des amendemens après le dépôt du rapport. On a probablement pensé que la discussion sommaire fournirait des indications de nature à motiver la proposition de changemens au projet primitif, par voie d’amendement. — Lorsqu’un article a été rejeté, mais seulement alors, la commission peut être saisie d’un amendement qui suit le cours des formalités habituelles. De cette façon, on n’est plus exposé à laisser une lacune dans une loi. — C’est quelque chose que tout cela, dira-t-on. Soit ; mais c’est bien peu de chose. Le corps législatif n’est nullement affranchi de la tutelle du conseil d’état ; en outre, rien de ce qui précède n’est applicable au budget, puisque le budget ne se vote ni par article, ni même par chapitre, mais seulement par ministère.

Ce qui frappe le plus dans les rapports du corps législatif avec le conseil d’état, ce qui a dominé dans la pensée du législateur de 1852, ce qui subordonne complètement les représentans de la nation aux délégués du pouvoir exécutif, c’est la nécessité du consentement du conseil d’état à l’introduction d’une modification quelconque dans le texte des lois et en particulier dans les chiffres du budget.

Qu’est-ce que le conseil d’état ? Une émanation directe du pouvoir dont il dépend, du pouvoir qui nomme et révoque ses membres. Lorsqu’un conseiller d’état juge au contentieux, devenu magistrat, il ne relève que de sa conscience et doit voter avec complète liberté ; consulté administrativement, il manquerait à ses devoirs en ne donnant pas au pouvoir exécutif avec entière sincérité l’avis qui lui est demandé ; mais, dans la préparation et la discussion des lois, est-il possible qu’il s’affranchisse de l’influence gouvernementale ? Lorsqu’un dissentiment grave s’élève entre le corps législatif et le gouvernement, le conseil d’état, après avoir joué le rôle utile de conciliateur, peut-il s’ériger en arbitre souverain et résoudre une question controversée contre le vœu positif et formel du pouvoir ? En vérité, je n’ai pas la moindre hésitation à me prononcer pour la négative et à soutenir que la constitution ne le veut point ainsi. Si je ne suis pas dans l’erreur, et je ne crois pas y être, il résulte clairement de ce qui précède que le conseil d’état n’est pas seulement, comme on a voulu le représenter, un intermédiaire et un conciliateur, mais qu’il est, d’après la constitution de l’empire et sa propre organisation[1], l’auxiliaire naturel et légitime du pouvoir, et que

  1. « Article 50. Le conseil d’état est chargé, sous la direction du président de la république, de rédiger les projets de loi…
    « Article 51, Il soutient au nom du gouvernement la discussion des projets de loi… constitution du 14 janvier 1852.)
    « 1° Le conseil d’état, sous la direction du président de la république, rédige les projets de loi et en soutient la discussion devant le corps législatif. » Décret organique du 25 janvier 1852.)