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d’en supporter le fardeau. Les gouvernemens dans lesquels la responsabilité n’est pas partagée sont trop souvent guidés par d’autres motifs et subissent d’autres nécessités. Un pouvoir unique, ayant à répondre seul de ses résolutions et de ses desseins, cherche parfois à les faire mieux accepter en dissimulant et en ajournant leurs conséquences onéreuses. Pour être vraiment digne de gouverner, il faut savoir dédaigner cette funeste recherche de la popularité, ne reculer devant aucune des rudes conditions du pouvoir, ne sacrifier aux exigences du jour aucun des intérêts durables de son pays ; il faut avoir l’ambition assez haute pour penser sans cesse à la postérité et pour maintenir une juste balance entre ce qu’il est permis d’accorder au présent et ce qu’il n’est pas permis d’enlever à l’avenir.


IV. — LE VOTE DU BUDGET ET LES CREDITS SUPPLEMENTAIRES SOUS LE REGIME DE LA CONSTRUCTION DE 1852.

On nous répète, sans cesse, nous lisons chaque jour que, si la France a perdu la plupart de ses libertés, elle a gardé une des plus précieuses prérogatives des peuples libres, le vote de l’impôt et des lois par les représentans de la nation. Ce principe est en effet inscrit dans la constitution de 1852, à l’article 39. Qu’est-il devenu de par l’article 40 ? qu’est-il devenu de par les actes qui ont interprété ou modifié la constitution ? qu’est-il devenu surtout dans l’application ?

L’article 40 de la constitution porte : « Tout amendement adopté par la commission chargée d’examiner un projet de loi sera renvoyé sans discussion au conseil d’état par le président du corps législatif. Si l’amendement n’est pas adopté par le conseil d’état, il ne pourra être soumis à la délibération du corps législatif. » Les articles 52, 53, 54 et 55 du décret du 31 décembre 1852, confirmant les dispositions ci-dessus, en ont ajouté une fort importante : « Aucun amendement n’est reçu après le dépôt du rapport fait en séance publique. » Ainsi obligation absolue du consentement du conseil d’état pour qu’un amendement puisse être mis en délibération, impossibilité de présenter un amendement après le dépôt du rapport de la commission. Or la pensée d’un amendement ne peut naître, ou du moins la nécessité de le présenter ne peut se faire sentir qu’après le dépôt du rapport. C’est alors seulement qu’un membre de la chambre qui ne fait pas partie de la commission connaît la rédaction définitive du projet de loi. De plus, c’est ordinairement la discussion publique, par les lumières souvent imprévues qu’elle jette sur le sujet, qui inspire les plus utiles amendemens. Le règlement les interdisant absolument, qu’arrivait-il ? Un article était rejeté, le mal était sans remède ; l’article ne pouvait être ni amendé ni remplacé