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par des pas successifs jusqu’au fond de la mine. On remonte absolument de la même manière. Cet exercice est très simple, et avec un peu d’habitude on finit par se promener sur le fahrkunst sans beaucoup de fatigue ; seulement il faut une attention très soutenue pour porter régulièrement le corps de côté et ne pas se laisser prendre en quelque sorte entre les deux mouvemens ; il faut aussi se tenir bien droit afin de ne point se heurter contre les parois du puits. Aujourd’hui les fahrkunst sont établis au Harz dans toutes les mines dont la profondeur est très considérable.

Arrivé dans les galeries souterraines, le mineur se dirige souvent par un véritable dédale vers le point où il attaque le filon, et pendant huit heures il est occupé à forer des trous dans la roche pour la faire sauter à la poudre. Quand toutes les précautions ont été prises et qu’il vient d’allumer la mèche, il s’éloigne rapidement et attend l’explosion en avertissant tous ceux qu’il rencontre. On entend bientôt un bruit sourd : dès que le nuage de vapeurs s’est un peu dissipé, le mineur va détacher de la roche à grands coups de maillet tous les débris qui y adhèrent encore ; il sépare les morceaux qui contiennent une portion de filon de ceux qui sont tout à fait stériles et qui servent à combler les anciennes galeries épuisées. Le minerai, placé dans de petits chars qu’on nomme chiens de mine, est porté, par des chemins de fer, à l’orifice des puits, d’où on l’extrait.

Il arrive quelquefois que la charge de poudre fait explosion pendant que le mineur est encore au milieu de ses préparatifs, surtout au moment où il retire du trou de forage déjà rempli de poudre la tige en fer qui doit donner place à la mèche, et qui peut faire jaillir une étincelle au frottement de la pierre. Le malheureux ouvrier est alors brûlé, mutilé et souvent tué sous les débris qui l’écrasent. Je rencontrai un jour au milieu d’un vallon solitaire, sur la route de Lautenthal à Grund, un pauvre homme horriblement défiguré : il me raconta qu’il avait été brûlé par une semblable explosion et n’avait échappé que par miracle. Il était infirme et incapable de travail, passait sa vie à garder des vaches dans la forêt, et offrait des bouquets de fraises aux rares voyageurs qui traversent cette partie de la montagne.

Faut-il s’étonner de la joie que le mineur ressent à quitter les sombres abîmes où son labeur l’appelle ? Un dessin bien connu dans le Harz représente le mineur à ce moment souhaité : il vient de sortir du puits, il se tient debout, ôte son bonnet comme pour prier et regardé le ciel : Gluck auf ! Rentré pour seize heures dans sa famille, il n’éprouve qu’un besoin, celui du repos. On a souvent essayé d’introduire parmi la population ouvrière des industries de montagne qui pourraient, en donnant une occupation aux mineurs