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nombreuses observations à ce sujet, a fort bien montré qu’elle se retrouvait, à des degrés divers, chez les Européens à teint plus ou moins foncé, qu’elle présentait parfois et par places une intensité aussi grande que chez les nègres, et qu’elle était-tantôt héréditaire et tantôt individuelle[1].

Cette instabilité des phénomènes de coloration, cette facilité avec laquelle ils se produisent identiquement les mêmes dans des populations humaines d’ailleurs très différentes et se manifestent parfois d’une manière tout à fait isolée chez des individus, s’accordent aussi peu que possible avec la nature des caractères propres à distinguer une espèce, et rappellent au contraire à tous égards les faits que présentent les caractères de race. Aussi les retrouvons-nous, et à un degré plus prononcé encore, dans nos animaux domestiques. Chez eux, quand elle est nue, la peau présente des variations de teinte non moins durables[2]. Les pattes de nos poules ordinaires sont parfois blanchâtres, plus habituellement ardoisées ; elles sont devenues noires, olivâtres, jaunes, etc., dans d’autres races, dont quelques-unes sont d’origine assez récente. La peau même du corps est jaunâtre dans la poule de Cochinchine, blanche dans la poule gauloise, noire dans ces races nègres qui se sont formées en Amérique, sur le plateau de Bogota, — en Asie, dans les Philippines, à Java, — en Afrique, aux îles du Cap-Vert, et qui se développeraient bien vite dans certains pays de l’Europe, si l’on ne cherchait à les arrêter à cause des apparences peu agréables qu’elles offrent aux consommateurs. Chez elles en effet, la couleur noire ne s’arrête point à la surface du corps ; elle pénètre à l’intérieur comme chez les nègres et les Européens dont nous parlions tout à l’heure. Seulement elle est ici beaucoup plus foncée, et elle envahit toutes les membranes muqueuses, le périoste[3] et les gaînes cellulaires qui entourent les muscles, si bien que la chair entière semble en être imprégnée.

Les plumes chez les oiseaux, les poils chez les mammifères, représentent les cheveux et les villosités qui couvrent chez nous diverses parties du corps. Il serait bien inutile d’entrer dans des détails pour démontrer au lecteur que ce plumage, ce pelage, varient pour la même espèce domestique, sous le rapport de la couleur, dans

  1. Sur la Coloration des centres nerveux chez les individus de race blanche Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, t, Ier).
  2. On sait que d’une manière générale, chez les végétaux comme chez les animaux, les parties soustraites à l’action directe de la lumière présentent un développement moins marqué des principes colorans. Ce fait se retrouve dans l’espèce humaine, et nous y reviendrons plus tard.
  3. Membrane fibreuse qui tapisse tous les os chez l’homme et les animaux vertébrés.