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grande des difficultés qui semblaient devoir s’opposer à la propagation de cette belle espèce[1]. »

Dans les deux règnes, on le voit, les fonctions comme les organes peuvent être atteints par les agens modificateurs, et dans tous les deux la génération peut transmettre les résultats de cette action. Il en est de même, avons-nous dit, de ce je ne sais quoi en vertu duquel l’animal veut, sent et agit. Ici nous pourrions presque nous en tenir aux généralités, et en appeler seulement à l’expérience journalière. Parmi nos animaux domestiques, les races sont souvent caractérisées tout autant par les aptitudes, ces instincts sont-ils inhérens à la nature primitive de l’animal ? Cela est vrai d’un certain nombre, mais non de tous. La multiplicité, la variété qu’ils présentent suffisent pour le démontrer. Il est évident par exemple que la même espèce n’a pu posséder originairement à la fois les instincts du chien courant et ceux du chien d’arrêt, instinct qui s’excluent réciproquement. De ce fait et de cent autres que nous pourrions citer, il résulte que, dans une foule de cas, ces prétendus instincts ne sont que des habitudes acquises, d’abord tout individuelles, puis transmises par voie de génération, et devenues ainsi de véritables caractères. Le proverbe « bon chien chasse de race » n’est pas seulement un dicton populaire, il est scientifiquement vrai. Au besoin, les détails si précis donnés par M. Knigth, ses observations poursuivies pendant trente ans, en démontreraient l’exactitude. Cet expérimentateur prenait des précautions pour que les jeunes chiens menés pour la première fois à la chasse ne pussent être en rien dirigés par leurs aînés ; et cependant, dès le premier jour, de ces débutans que nul n’avais pu instruire, l’un demeurait tremblant d’anxiété, les yeux fixes, les muscles tendus, devant les perdrix que ses pères avaient été élevés à arrêter ; un autre, conduit à la recherche des bécasses, ne se mettait en quête que sur les terrains non gelés, comme eût pu le faire le vieux chien le plus habitué à cette chasses spéciale ; un troisième, dont les ancêtres avaient été dressés à faire la guerre aux putois, donnait tous les signes d’une vive colère à la seule odeur de cet animal, qu’on n’avait même pas exposé à sa vue, tandis que ses compagnons de race différente ne manifestaient aucune émotion, etc.[2].

  1. Domestication et Naturalisation des animaux utiles.
  2. Je regrette de ne pouvoir donner ici des détails plus circonstanciés sur les résultats que renferment les deux mémoires de M. Knigth. Je me bornerai à dire que les recherches de cet observateur ne se sont pas arrêtées à nos grands animaux domestiques, qu’il les a étendues entre autres aux abeilles, et qu’il a constaté également chez ces insectes des modifications de l’instinct qui suffiraient à distinguer les races domestiques de celles qui ont constamment vécu en liberté.