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monsieur ; plaignez-moi, car je suis bien malheureuse. Je ne puis m’arracher de ces lieux où j’ai vécu avec lui, et où il reste encore. »

Ces paroles sont touchantes ; quoi de plus touchant aussi que les deux épitaphes composées par Alfieri pour son tombeau et celui de la comtesse[1] ? Chateaubriand, attaché alors à l’ambassade de Rome, venait d’arriver à Florence au moment où Alfieri rendait le dernier soupir ; il le vit coucher au cercueil, il lut les deux inscriptions funéraires, il fut touché de cet immense amour, de ce dernier rendez-vous donné au sein de la mort ; ces images devaient frapper l’auteur du Génie du Christianisme, et ce qu’elles avaient d’un peu

  1. Alfieri les a fait graver sur un diptyque de marbre blanc qui appartient aujourd’hui à la bibliothèque du musée Fabre à Montpellier. Comme ces deux épitaphes ont été souvent reproduites d’une façon incomplète ou inexacte, on en donne le texte ici :
    Quiescit hic tandem :
    Victorius Alferius Astensis.
    Musarum ardentissimus cultor
    Veritati tantummodo obnoxius
    Dominantotibus idcirco viris
    Peraeque ac inservientibus omnibus
    Invisus merito
    Multitudini
    Eo quod nulla unquam gesserit >
    Publica negotia
    Ignotus
    Optimis perpaucis acceptus
    Nemini
    Nisi fortasse sibimet ipsi
    Despectus
    Vixit annos… menses… dies…
    Obiit… die… mensis…
    Anno domini MDCCC…
    Hic sita est
    Aloysia e Stolbergis
    Albaniæ comitissa
    Genere forma moribus
    Incomparabili animi candore
    Præclarissima
    A Victorio Alferio
    Juxta quem sarcophago uno
    Tumulata est
    Annorum spatio
    Ultra res omnes dilecta
    Et quasi mortale numen
    Ab ipso constanter habita
    Et observata
    Vixit annos… menses… dies..
    In Hannonia Montibus nata
    Obiit,..,. die… mensis…
    Anno domini MDCCC…
    Au dessous, on lit ces mots : Florentiœ Gallorum compedibus obstrictœ, 1800.