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au dehors, et découvre dans la société d’autres signes du temps. Nous marchons rapidement, dit-il, vers un événement immense dans l’ordre divin. Des théologiens catholiques, des théologiens protestans ont pressenti que les temps sont arrivés, et même, selon l’un d’eux, l’événement a commencé, et la nation française est choisie « pour être l’instrument de la plus grande des révolutions. » Dans la classe instruite, par toute l’Europe, « il n’y a peut-être pas un homme véritablement religieux qui n’attende en ce moment quelque chose d’extraordinaire. » N’est-ce rien que ce cri général qui annonce les grandes choses ? N’y a-t-il point dans l’humanité un esprit prophétique ? Machiavel, un génie profond et peu dévot, a remarqué le premier que toutes les grandes révolutions ont été annoncées d’avance. Il est dans la nature de l’homme de chercher sans cesse à pénétrer l’avenir ; il a donc des droits sur cet avenir, et, dans certaines circonstances, des moyens de l’atteindre. Étranger au temps, il veut en sortir. De là les oracles, les divinations, l’astrologie judiciaire, erreurs générales qui ont une racine vraie comme toutes les croyances générales. La révolution française a été prédite de tous côtés et d’une manière incontestable, comme le christianisme avait été prédit. Tout l’Orient annonçait un vainqueur qui devait sortir de la Judée. Virgile se fit, dans son Pollion, l’écho de cette voix de l’ancien monde, et ses vers, traduits en grec, furent lus au concile de Nicée. On a beau prouver doctement que Virgile n’était pas prophète, « c’est-à-dire qu’une flûte ne sait pas la musique ; » qu’importent ces vaines chicanes contre le sentiment universel ? La prophétie emprunte une voix, mais elle est partout. Pourquoi n’en serait-il pas de même aujourd’hui ? L’univers est dans l’attente ; « pourquoi condamner les hommes qui, avertis par ces signes divins, se livrent à de saintes recherches ? » Comme les poètes devinent les langues et les parlent purement avant qu’elles soient formées, ainsi les hommes spirituels, parfois transportés dans l’avenir, pressentent les événemens que le temps mûrit dans le lointain.

Déjà même la marche des sciences les conduit visiblement à un plus haut et plus vaste spiritualisme, a Attendez que l’affinité naturelle de la religion et de la science les réunisse dans la tête d’un seul homme de génie ; l’apparition de cet homme ne saurait être éloignée, et peut-être même existe-t-il déjà. Celui-là sera fameux, et mettra fin au XVIIIe siècle… Alors toute la science changera de face. Il sera démontré que les traditions antiques sont toutes vraies, que le paganisme entier n’est qu’un système de vérités corrompues et déplacées, qu’il suffit de les nettoyer pour ainsi dire et de les remettre à leur place pour les voir briller de tous leurs rayons… »

La première révélation, donnée sur le Sinaï, fut resserrée dans