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et uniquement à une circonstance, à cette alliance avec le Piémont qui était une des promesses de l’acte du 25 juin. Un des membres du nouveau cabinet, M. Manna, et un diplomate napolitain fils d’un ancien ministre, M. Winspeare, eurent la mission de se rendre aussitôt à Turin pour négocier l’alliance. C’était une tentative extrême dans laquelle le gouvernement napolitain était appuyé non-seulement par les cours de l’Europe du nord, telles que la Russie et la Prusse, mais encore et surtout par la France et l’Angleterre elles-mêmes. Qu’avaient à proposer les plénipotentiaires du roi de Naples ? A ne consulter que ce qui était ostensible, M. Manna et M. Winspeare recevaient des instructions qui les autorisaient à former une ligue entre les deux couronnes pour garantir la péninsule contre toute attaque ou influence étrangère, et à négocier des conventions qui établiraient une union commerciale, l’uniformité des monnaies, qui relieraient les systèmes de postes et de chemins de fer, et s’étendraient en un mot à tout ce qui pourrait resserrer les liens des deux royaumes. Pour la Sicile, un parlement serait élu d’après la vieille constitution de 1812, en dehors de toute pression armée, afin que le pays pût décider de son organisation, qui garantirait à l’île une existence politique séparée de Naples, sous la même couronne, avec la vice-royauté d’un prince. En présence de la situation de l’Italie et de tous les problèmes qu’elle soulevait, si les instructions des plénipotentiaires napolitains se fussent arrêtées là, ce n’était pas même la peine d’aller à Turin ; mais M. Manna et M. Winspeare avaient des instructions secrètes qui touchaient au vif des choses et dont ils étaient autorisés à se servir à mesure que les circonstances l’exigeraient. Ils pouvaient admettre le principe de la transformation de la ligue en alliance offensive, ce qui impliquait la guerre pour Venise. Le roi François II avait fini par accéder à cette condition, irrité et offensé qu’il était de la conduite de l’Autriche et de l’abandon ou elle le baissait après l’avoir tant poussé à résister ; il ne reculait plus devant cette perspective d’une guerre où il retrouverait l’honneur des armes qu’il croyait perdu à Palerme. L’annexion de la Toscane et des duchés pouvait être aussi reconnue par les plénipotentiaires. Quant aux états de l’église, une combinaison pourrait être proposée : le Piémont garderait les Légations comme vicaire du saint-siège, le roi de Naples prendrait le vicariat des Marches et de l’Ombrie. Malheureusement multiplier les discussions à l’heure où le péril pressait, se réfugier dans les distinctions entre ce qu’on offrait publiquement et les propositions secrètes qu’on se proposait de dérouler peu à peu, au lieu d’aller simplement et directement au but, c’était encore perdre du temps, et dans l’intervalle Garibaldi, après avoir un moment suspendu sa marche, reprenait