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qui lui fût ouverte. J’ajouterai qu’à ce moment même le Piémont faisait au gouvernement napolitain une proposition nouvelle d’accord et d’action commune.

Dès le mois de janvier 1860, le marquis de Villamarina était arrivé à Naples comme ministre du roi Victor-Emmanuel, et il était chargé de donner les assurances les plus complètes d’amitié, de travailler de tout son pouvoir à dissiper les défiances et à rapprocher les deux pays. Trois mois après, avant que les événemens, un instant suspendus, eussent repris une allure plus grave et plus décisive, le cabinet de Turin faisait offrir aux Napolitains d’aller eux-mêmes en avant et d’entrer dans les Marches, à la condition que l’annexion de la Romagne serait reconnue, ou qu’on obtiendrait l’accession du saint-siège à l’occupation d’Ancône par les Sardes. En un mot, le Piémont offrait de marcher avec Naples et de nouer une sérieuse intelligence, pourvu qu’on voulût s’y prêter. Le roi François était trop engagé dans une politique absolument contraire pour accéder à des combinaisons qui eussent peut-être tout changé en Italie, et qui, dans tous les cas, eussent arrêté sans doute le débordement du nord vers le midi. La cour de Naples était tout entière à ses défiances, à l’amertume de ses irritations, et se retranchait de plus en plus dans une immobilité hostile à mesure que l’esprit italien s’enflammait par le succès même de ses premières entreprises.

Que résultait-il de ce système suivi par la cour napolitaine dans sa politique intérieure et dans ses relations avec l’Italie, avec le Piémont ? C’est que tout empirait rapidement. Le trouble et la peur poussaient aux vexations, qui multipliaient à leur tour le mécontentement et les irritations. Tout ce qu’on faisait pour arrêter la contagion des idées qui envahissaient l’Italie n’avait d’autre résultat que de la rendre plus active et plus efficace. L’aristocratie napolitaine, poursuivie et traquée par la police, se laissait aller à une mauvaise humeur qu’elle ne cachait plus ; la bourgeoisie de Naples était profondément irritée, et chose plus grave, chose nouvelle à Naples, le peuple lui-même commençait à s’ébranler, à demi gagné par ce mouvement de désaffection. L’armée se sentait humiliée de voir des Bavarois et des Autrichiens succéder aux Suisses dans les préférences de la cour. La marine était bien plus atteinte encore dans son esprit de fidélité. « Mon malheureux pays, disait un capitaine de vaisseau, n’a plus de moyen de sortir de l’affreux régime qui l’opprime que par une révolution. » L’idée de la perte inévitable de la dynastie faisait de rapides et redoutables progrès, au point que deux des oncles du roi, le comte d’Aquila et le comte de Syracuse, étaient eux-mêmes dans cette conspiration de l’impatience et du mécontentement. Vainement la France et l’Angleterre, par les conseils