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la main de la police, et c’est ainsi que dans les premiers jours de mars 1860 le prince Torella, le marquis Bella, le prince Camporeale, le duc Proto, le marquis Vulcano et bien d’autres encore étaient subitement arrêtés, ou n’échappaient à la police que par la fuite. Le ministre des affaires étrangères du roi François II, M. Carafa, ne faisait au reste nulle difficulté d’avouer à M. Elliot qu’on n’avait point de preuves contre les coupables, qu’on ne les mettrait point en jugement, mais qu’on sévirait contre eux sans recourir à la justice, parce que le gouvernement avait la conviction de leur culpabilité. Ce n’était pas, il est vrai, sans de vives anxiétés intérieures que François II se laissait entraîner dans cette voie. « Croyez-le bien, disait-il, le roi de Naples n’est pas l’homme le plus heureux du monde ; il faut le plaindre, sa situation est bien difficile. Le roi de Naples a dû se décider à comprimer ; il faut faire son devoir conformément aux lois. » Et si l’on objectait que c’était là justement la question, se conformer aux lois, violées tous les jours par la police ; si l’on ajoutait qu’un système plus doux, plus équitable, serait sans doute plus efficace, le roi répondait qu’il fallait « commencer par comprimer, par faire respecter l’autorité. » Quant aux réformes, on verrait après ce qu’il y aurait à faire : François II restait dans le vague ; on entrevoyait seulement que, s’il avait à choisir entre des systèmes d’élections, il préférerait le suffrage universel au suffrage restreint, qu’il considérait comme trop favorable à la secte, c’est-à-dire aux libéraux.

Au point de vue extérieur et italien, à ce moment où toutes les perspectives de congrès s’étaient évanouies et où les annexions de la Romagne, de la Toscane, étaient définitivement accomplies, le souverain napolitain en était venu à des idées singulières, et qui ne laissaient pas d’être chimériques. « Je ne puis être indifférent à ce qui agrandit le Piémont révolutionnaire, disait-il, et en ce qui me concerne je ne me prêterai en rien à une autonomie toscane avec un prince de Savoie ; ce serait la même chose. » Quant à la Romagne, le roi ne conseillerait jamais au pape d’accepter le Piémont comme vicaire. Il eût préféré un vicariat délégué au grand-duc de Toscane, ce qui impliquait, à vrai dire, la restauration du grand-duc, et à défaut du vicariat toscan il mettait en avant l’idée d’un vicariat napolitain. — Mais comment combiner les réformes nécessaires dans la Romagne avec le système politique suivi dans le royaume ? Ces réformes coïncideraient avec celles qui seraient réalisées à Naples même. — Et quelles seraient ces réformes ? quand s’accompliraient-elles ? Ici on retombait dans le vague et dans le cercle vicieux où tournait la politique napolitaine, ballottée entre le danger d’une inaction mortelle et l’évidente répugnance à entrer dans la seule voie