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particulières de M. de Cavour une sympathie visible pour le jeune roi, un ménagement extrême et même un soin jaloux de défendre le Piémont de toute pensée ambitieuse, d’aller au-devant des susceptibilités napolitaines. « Parmi les obstacles que vous rencontrerez pour faire prévaloir ce système d’alliance, disait M. de Cavour, il en est un sur lequel je crois devoir appeler particulièrement votre attention : c’est un préjugé mal dissimulé contre la prétendue ambition de la maison de Savoie. C’est une vieille accusation fomentée par l’Autriche dans une pensée facile à comprendre, et qui trouve encore aisément accueil auprès de quelques hommes d’état napolitains. À le bien prendre, ce reproche tourne à la louange de la politique de sa majesté et de ses prédécesseurs. La maison de Savoie a, depuis plusieurs siècles, assumé la noble mission de défendre la liberté de l’Italie contre la prédominance et les usurpations étrangères. Depuis 1814, l’antagonisme entre le Piémont et l’Autriche est devenu plus visible, parce que les traités de Paris et de Vienne troublaient l’équilibre italien en donnant à l’Autriche en Italie une prépondérance inconciliable avec l’indépendance des autres états. Depuis ce jour, la lutte, tantôt secrète, tantôt ostensible, n’a plus été interrompue, et si le dénoûment de cette lutte est un agrandissement des états de sa majesté, cela dérivera de la nécessité des choses, du consentement des peuples, non de desseins préconçus ; mais la formation d’un état puissant dans la vallée du Pô ne doit point exciter la jalousie du royaume des Deux-Siciles. Avec celui-ci, nous avons toujours souhaité la concorde et l’union. Ce fut par une juste considération que le cabinet de Turin, dans le congrès de Paris, ne joignit pas sa voix aux voix accusatrices qui s’élevèrent contre le régime de Ferdinand II, et c’est par la même raison que récemment, dans le mémorandum du 1er mars, il s’est tu sur la condition intérieure du royaume, afin d’éviter de nouvelles causes de dissidence et de froissement, afin de ne pas mettre de plus grands empêchemens à une union, peu espérée en ce moment, il est vrai, mais toujours désirée dans l’intérêt commun des deux dynasties. Je ne doute pas que ces réflexions n’aient de l’efficacité sur l’esprit de François II et de ses conseillers… L’intervention de la France dans nos affaires sera peut-être un autre sujet de soupçon. Sur ce point, vous répéterez ce que l’empereur, Napoléon III a solennellement déclaré en face de l’Europe, c’est-à-dire qu’aucune vue de conquête ou d’ambition dynastique ne guide ses armes. Vous ajouterez que les conditions de l’Europe d’ailleurs ne permettraient pas une domination française directe en Italie, vous ferez observer que dans tous les cas le meilleur moyen de prévenir un semblable danger, s’il existait (ce qui n’est pas), serait l’union des conseils et des