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dont le dernier souffle peut créer des troubles, des embarras, mais qui, sous leur forme la plus récente du moins, ont cessé d’être une force vivifiante et organique. Nulle part peut-être plus qu’à Naples cette lutte entre les traditions d’indépendance locale et le sentiment nouveau de l’unité n’apparaît dans ce qu’elle a de dramatique et de saisissant.

Quand les duchés du nord abdiquent leur autonomie pour partager la fortune du Piémont et former une puissance italienne, ce ne sont, à tout prendre, que des souverainetés exiguës et précaires qui s’éclipsent à Florence comme à Modène, qui ne font même que se détacher d’un système d’unité par la domination ou l’influence étrangère pour se rattacher à l’unité par le sentiment national. Dans les états de l’église, le problème est surtout d’un ordre religieux. Politiquement, par le caractère des populations, par les mœurs, par les intérêts, par les souvenirs, par la position géographique elle-même, la Romagne se relie au groupe du nord, et elle s’y relie si bien que la présence de l’Autriche dans la Vénétie et sur le Pô, après Villafranca, faisait en quelque sorte une nécessité de l’annexion de Bologne, ne fût-ce que pour fermer aux Autrichiens la route du centre et du midi de l’Italie. Dans les Marches mêmes et dans l’Ombrie, à Ancône et à Pérouse, un intérêt de catholicisme combat pour le pape bien plus qu’un intérêt politique comme difficulté d’assimilation. C’est vraiment à Naples que la question se complique et se noué, et qu’elle rencontre sa souveraine épreuve, car ici l’idée envahissante et victorieuse de l’unité se trouve en face d’une autonomie réelle qui aurait pu vivre, si tout ne se fût acharné à la ruiner.

Ce n’est plus ici un petit duché qui disparaît : c’est un royaume de neuf millions d’hommes attaqué de front par l’idée unitaire, le plus grand royaume italien absorbé comme une province ; un état ayant tout pour lui, la grâce merveilleuse du climat, la fertilité naturelle, la force de la position, une année nombreuse, des côtes assez étendues pour avoir la plus belle marine, une population intelligente et vive, et jusqu’à ce degré de rivalité vis-à-vis du nord qui aurait pu devenir utile à la péninsule e, ne se tournant pas contre les aspirations de progrès civil et d’émancipation nationale, désormais irrésistibles au-delà des Alpes. Cette dynastie elle-même, aujourd’hui réduite à une si cruelle extrémité, se confond dans son origine avec ce premier moment de l’histoire moderne où, après les oisives et corruptrices vice-royautés espagnoles, après une éphémère domination autrichienne, le royaume des Deux-Siciles arrive à l’indépendance politique il y a un peu plus d’un siècle. Comment donc toutes ces conditions Réunies de force et de durée se trouvent-