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chimique par la constante pénétration des influences atmosphériques, et c’est par là surtout que l’expérience mérite de fixer l’attention.

Le révérend Samuel Smith est, a cet égard, le continuateur de Jethro Tull, célèbre agronome anglais qui vivait au commencement du XVIIIe siècle. D’après Jethro Tull ; la seule nourriture des plantes leur vient des élémens organiques tirés de l’atmosphère, et comme la source de ces élémens est inépuisable, tout l’art de l’agriculture consiste à tenir le sol libre de mauvaises herbes et complètement pulvérisé. Cette théorie était fausse dans ce qu’elle avait d’absolu, mais elle contenait beaucoup de vérités ; c’est à elle que les Anglais doivent les labours répétés, les semis en ligne, le sarclage et le binage des cultures, pratiques qui ne suffisent pas sans doute, mais qui contribuent beaucoup aux grands succès. M. Samuel Smith l’a complétée en y ajoutant l’approfondissement continu de la couche arable, qui permet de chercher de plus en plus dans le sol lui-même les élémens minéraux dont Tull avait méconnu l’importance. À son tour, l’expérience de Lois-Weedon n’est pas complète, en ce sens que, tous les sols ne contenant pas les mêmes élémens en quantités égales, ce qui réussit sur les uns doit échouer sur les autres, ainsi que l’ont prouvé des essais ultérieurs qui n’ont pas réussi ; mais bien que ce système de culture ne puisse pas être employé partout, et que, là même où il réussit, il ne puisse probablement pas se continuer toujours, le résultat inattendu obtenu par le pasteur de Lois-Weedon jette un jour nouveau sur les causes mystérieuses qui agissent sur la végétation, et qui ne nous sont encore que très imparfaitement connues.

Comment se fait-il que, par le seul fait du repos, un sol épuisé se remplisse peu à peu d’un nouvel engrais naturel qui permette tôt ou tard une nouvelle culture de céréales ? Comment faut-il s’y prendre pour faciliter cette accumulation spontanée d’après les différens sols et les différens climats ? En un mot, qu’est-ce que la jachère ? quelle est l’action réciproque du sol sur l’air et de l’air sur le sol ? Chaque jour apporte sur ce grand problème de nouveaux éclaircissemens. Tantôt ce sont les découvertes de M. Boussingault sur la formation naturelle des nitrates, tantôt les expériences de M. Barral, qui décèlent dans l’eau de pluie des substances ammoniacales et même des phosphates. Le phénomène majestueux et caché de la circulation universelle laisse échapper un à un ses secrets. On savait déjà que certaines plantes avaient la propriété d’attirer et de condenser les gaz fécondans ; on sait maintenant que certaines substances minérales, certains états mécaniques du sol, certaines conditions électriques, jouissent du même privilège. Il n’en résulte nullement qu’on doive se passer d’engrais végétaux et animaux, mais une source immense d’engrais se révèle de plus en plus dans l’atmosphère qui nous entoure, et nous commençons à connaître quelques moyens de fixer directement cette fumure aérienne. Les anciens s’en étaient doutés depuis longtemps, car, dans les fables mythologiques, la déesse de la végétation, Cérès, était fille de Saturne et de Cybèle, c’est-à-dire de l’air et de la terre.

Le recueil de M. La Tréhonnais consacre aussi de nombreuses et excellentes pages à la question si controversée des engrais liquides. Un des meilleurs travaux qu’il ait reproduits sur cette question est un mémoire de M. Voelcker, professeur de chimie au. collège royal d’agriculture de Cirencester