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les Chinois abandonnèrent sans faire de résistance. Quelques semaines plus tard, le 21 août, les forts du Peï-ho furent attaqués. Les Tartares s’y défendirent de leur mieux ; mais enfin ils durent se rendre à l'ultima ratio, aux puissans argumens de nos canons de gros calibre et à longue portée. Hang-fou, le vice-roi de la province de Chi-li, fit hisser le pavillon blanc et adressa aux « honorables commandans en chef des forces françaises et anglaises » une lettre très humble, dans laquelle il se déclara vaincu par l’efficacité supérieure des armes européennes.

« Peu de temps après, un plénipotentiaire chinois, Kwiliang, se présenta et demanda à traiter avec les ambassadeurs de France et d’Angleterre. Des notes diplomatiques furent échangées, et l’affaire semblait marcher vers une solution pacifique, lorsque, au moment de signer le protocole des négociations, Kwiliang déclara ne point avoir le droit de faire les concessions que les ambassadeurs exigeaient de lui. Il se retira, les communications diplomatiques furent suspendues, et les armées des alliés se mirent en marche sur Pékin. De nouveaux négociateurs se présentèrent alors ; ils parlèrent au nom du commissaire impérial Tsaï, prince d’Y et de Mouh-Yin, et prièrent les ambassadeurs de ne pas entrer à Pékin avant d’être arrivés à une entente avec le gouvernement chinois. Une seconde fois, on eut alors l’espérance d’amener l’affaire à sa solution sans nouvelle effusion de sang ; mais cet espoir fut bientôt déçu.

« Le 18 septembre, les troupes des alliés furent attaquées par le prince Sankolitzin, le héros de la Chine moderne. Ses cavaliers tartares s’avancèrent bravement, mais ne purent résister longtemps au feu de l’artillerie européenne, et furent aisément dispersés. Trois jours après, ils revinrent néanmoins à la charge ; mais cette fois encore ils furent repoussés avec de grandes pertes. Le prince Sankolitzin se retira alors définitivement ; mais sa haine contre « les barbares de l’Occident, auxquels la raison ne semble avoir été donnée que pour inventer des instrumens qui, pour un court espace de temps, peuvent faire triompher l’injustice et la déraison sur la justice et la raison, » sa haine contre les Européens devait être au comble, et se manifesta dans le traitement cruel qu’il fit subir aux malheureux prisonniers tombés entre ses mains.

« Dès lors les armées alliées purent s’approcher de Pékin sans rencontrer de nouvelle résistance ; elles arrivèrent le 5 octobre sous les murailles de la capitale, s’emparèrent le jour suivant de la ville de palais appelée Yun-min-yun, qui fut mise au pillage et détruite, après quoi elles franchirent les portes de la ville sacrée.

« L’empereur s’était enfui ; mais heureusement pour lord Elgin et M. le baron Gros, il avait laissé derrière lui un frère, le prince Kong, qui déclara pouvoir agir en plénipotentiaire, et dont les fonctions semblaient se borner à dire « oui » à tout ce que les ambassadeurs de France et d’Angleterre allaient lui demander. — « Nos ministres résideront à Pékin. — Accordé. — Au lieu de 4 millions de taels, vous nous en paierez huit. — Oui. — Tien-tsin sera ouvert à notre commerce. — Comme vous voudrez. — Vous êtes très fâché de ce qui est arrivé l’année passée aux forts de Takou. — Certainement, » etc. On ne tirait pas un « non » de la bouche du prince Kong, quoi qu’on fît. Le malheureux sait que les plus braves armées de son frère,