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vacillations qu’une excuse. On a prétendu que le gouvernement français n’avait été mû que par un sentiment d’humanité envers le roi de Naples ; qu’il n’avait cédé qu’à l’attendrissement inspiré par une grande infortune, qu’il n’avait voulu que préserver le roi malheureux de la pire insulte du sort, de celle qui l’aurait fait tomber aux mains de ses ennemis. Cette raison honorable et juste un moment lorsqu’on ne savait pas encore que les garibaldiens n’étaient point capables de s’emparer de Capoue sans le secours des Piémontais, avait cessé depuis longtemps d’être applicable à la position du roi de Naples ; mais enfin l’on a pris un parti décisif ; on a subordonné à la logique de la politique de non-intervention la sympathie due à un malheur immérité. On a compris qu’en arrêtant plus longtemps l’attaque piémontaise, on s’exposait à perdre entièrement la cause de l’ordre en Italie. On a senti que le temps pressait, car l’on était à la veille des élections d’où doit sortir le parlement de qui va dépendre le sort de la péninsule, et que l’on compromettait dans des élections la cause du roi Victor-Emmanuel et de M. de Cavour en s’obstinant à couvrir Gaëte du côté de la mer. Avant le 19, notre escadre se sera retirée, laissant un navire à la disposition du roi. Le départ de notre flotte ne déciderait pourtant pas François II à quitter Gaëte. Il continuera la résistance avec des chances plus inégales encore ; mais il aura du moins tout l’honneur de sa résolution, et l’intérêt presque romanesque qu’inspirent sa conduite et celle de la jeune reine ne pourra que s’accroître dans cette crise suprême.

Une phase nouvelle va maintenant s’ouvrir dans la question italienne. Nous l’avons dit à maintes reprises : nous eussions souhaité que le mouvement italien se fût modéré depuis longtemps ; mais nous ne pouvons rien contre les faits accomplis, et le bon sens politique est bien obligé d’accepter avec leurs nécessités des situations qu’il eût voulu prévenir. Nous ne chercherons donc point, dans les graves embarras que la politique piémontaise rencontre à Naples, la confirmation des trop stériles reproches que nous avons adressés à l’invasion des états pontificaux et du royaume des Deux-Siciles. Naples et la Sicile ont déjà usé plusieurs des hommes de mérite que le mouvement italien avait mis en évidence. Le prince de Carignan, secondé par M. Nigra, va tenter une nouvelle expérience ; nous souhaitons sincèrement qu’elle soit heureuse. La modération et le bon sens du prince de Carignan et le prestige de sa position auront sans doute une bonne influence à Naples. L’esprit net et résolu, mais conciliant, de M. Nigra secondera efficacement la mission du prince. Machiavel disait que la fortune aime les jeunes gens ; nous souhaitons à M. Nigra, qui en est digne par son habileté et son courage, les faveurs de cette grande coquette.

Mais la question napolitaine, malgré ses graves difficultés, disparaît en ce moment dans une question plus haute et plus vaste, dans une question qui n’est point seulement italienne, et dont les conséquences touchent l’Europe entière, car l’alternative du maintien de la paix ou de la guerre prochaine y est attachée. Nous voulons parler des élections. Les élections sont