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dont une rumeur non moins fausse, nous l’espérons, gratifie le budget d’un de nos ministères, en attribuant aux chefs de service de ce département une augmentation d’appointemens extravagante.

Une question d’un ordre secondaire, mais d’une haute importance, mériterait peut-être l’examen du corps législatif : c’est la question de l’administration parisienne, qu’un décret publié il y a peu de jours pose, ce nous semble, d’une façon piquante. Ce décret rend applicables à la ville de Paris les dispositions du décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation. Tout le monde apprécie la grandeur des intérêts que représente l’administration de Paris. Cette administration est un véritable état. Le budget municipal de Paris était en 1847 de 46 millions ; il s’élevait à 103 millions en 1860, et pour 1861 il atteint la somme de 170 millions. Il n’est que juste de reconnaître que la capacité du préfet actuel de la Seine a encore ajouté à l’importance de la position qu’il occupe ; l’activité et l’heureuse énergie qu’il a déployées dans son vaste gouvernement lui ont donné une place à part parmi nos administrateurs. Si, dans le décret qui vient d’étendre encore ses attributions, il n’y avait à considérer qu’un hommage personnel rendu aux rares facultés d’initiative, d’application et de travail de M. Haussmann, nous pourrions nous borner à exprimer simplement notre approbation ; mais, pour juger le caractère politique de ce décret et pour mesurer la situation particulière qu’il crée, nous devons oublier la personne du préfet. La mesure décentralisatrice de 1852 avait fait une chose utile ; elle avait remis aux préfets le contrôle de nombreux actes municipaux qui avaient eu jusque-là besoin de la sanction du ministre. Une exception avait été maintenue à l’égard de Paris, apparemment parce qu’en effet l’administration municipale de Paris est dans une situation exceptionnelle. À Paris, le magistrat municipal et le préfet se confondent dans la même personne. Le préfet de la Seine est le maire central de Paris ; il représente, pour les intérêts municipaux, l’ancien prévôt des marchands. Comment le préfet contrôlera-t-il le maire, si le préfet et le maire ne font qu’un ? C’est évidemment pour obvier à cette position exceptionnelle que l’on avait, dans le décret de 1852, conservé au ministre de l’intérieur le contrôle des actes de la municipalité parisienne. Si l’on ajoute que la commission municipale de Paris n’émane point de l’élection, on se trouve placé devant une question de droit public très intéressante. Il est de principe en France depuis 89 que qui paie l’impôt le vote et en contrôle la dépense par ses représentans. Les institutions municipales de Paris diffèrent-elles, d’après la loi, de celles des autres communes de France ? Si nous consultons les autorités compétentes, M. Jules Le Berquier par exemple dans son excellent traité de l’Administration de la Commune de Paris, elles répondent : Non. Pourquoi donc en fait ces différences, auxquelles le nouveau décret est venu ajouter une anomalie ? C’est une question que nous posons à nos docteurs en droit administratif et municipal. Si l’on réfléchît que le préfet de la Seine, envisagé dans son caractère de véritable maire de Paris, n’est plus soumis, dans la décision