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vers l’ancienne dynastie des Bourbons, le cabinet de Saint-James se savait constitutionnellement responsable des suites, quelles qu’elles fussent, de ses déterminations. La nécessité de faire approuver leur conduite par l’opinion de leurs concitoyens servait de frein à ces hommes d’état expérimentés, qui n’ignoraient pas qu’un peu plus, un peu moins de territoire n’était pas pour augmenter beaucoup l’importance d’un pays comme la France ; mais ces provinces ; qu’ils auraient vues sans trop grande inquiétude sous le sceptre d’un prince ami de la paix, il leur répugnait de les remettre aux mains d’un conquérant soupçonné de ne les tant souhaiter qu’afin de s’en servir pour se ruer de nouveau sur ses voisins. Une insignifiante question de frontières n’eût pas suffi à sceller l’accord funeste de nos ennemis ; la méfiance invétérée contre le chef redouté qui régnait despotiquement sur la France les fit tous se ranger, au dernier moment, du côté de l’empereur de Russie. Comment s’en étonner, et comment nous en plaindre ? Ils obéissaient à une loi fatale, ils pratiquaient les constantes maximes de la vieille politique européenne. La nécessité de leur salut les poussait plutôt qu’aucune mesquine jalousie de la France. Semblables inquiétudes ont toujours produit et produiront toujours un même résultat. Elles amènent inévitablement, à un jour donné, l’union forcée de tous les souverains et de tous les peuples contre l’ambitieux qui aspire à une prépotence excessive, que cet ambitieux s’appelle Charles-Quint, Louis XIV ou Napoléon.

Dans la suite de ce travail, nous essaierons en effet de montrer comment, rassurées sur les intentions de notre pays et toujours fidèles à ces mêmes traditions, les cours liguées à Châtillon avec la Russie se liguaient à Vienne avec la France pour résister en commun aux arrogantes prétentions de l’empereur Alexandre.


M. O. D’HAUSSONVILLE.