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soudaniennes nous montrent une variété infinie. Les traits se rapprochent parfois presque complètement des nôtres, et cela dès le Haoussa ; la couleur passe du noir au noirâtre, au cuivré, au basané, au café au lait clair ; les cheveux de laineux deviennent crépus ou simplement frisés et même plats. Enfin de gradations en gradations, de nuances en nuances, on arrive du nègre à l’Arabe ou au Berbère, sans qu’il soit vraiment possible de préciser où l’un des types finit, où l’autre type commence. En Abyssinie, la confusion des caractères est telle que ce ne sont plus ni les cheveux ni la couleur qui caractérisent le nègre, mais bien la saillie du talon[1]. Ce dernier caractère du moins est-il exclusivement propre au nègre ? Non ; nous le retrouvons dans d’autres races qui, pour être également africaines, n’en sont pas moins au nombre des mieux caractérisées, — dans les races boschismane et hottentote.

Le spectacle que nous présente l’Afrique se reproduit partout. La plus grande difficulté n’est pas en anthropologie de trouver des populations intermédiaires, présentant un mélange de caractères, mais bien de déterminer des groupes qui puissent être regardés comme de race pure. Rien de pareil ne se présente à l’homme qui étudie les espèces. Celui qui cherche à distinguer les races d’une même espèce éprouve au contraire à chaque instant le même embarras. Le zootechniste se trouve à chaque pas en présence de groupes souvent nombreux, et dans lesquels la confusion des caractères est portée au point qu’on ne sait plus à quelle race les rattacher. C’est précisément ce qui arrive à l’anthropologiste dès que, quittant les grandes divisions, il veut descendre au détail des races humaines. À eux seuls, le mélange, l’entre-croisement des caractères qui existent entre les groupes d’hommes nous autoriseraient à regarder ces groupes comme autant de races issues, d’une seule espèce. Toutefois le lecteur ne peut encore comprendre toute la portée de ce grand fait. Pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut avoir étudié les lois du croisement et s’être rendu compte des différences qui distinguent l'hybridité du métissage ; on ne le présentera donc ici que comme établissant, en faveur de la doctrine de l’unité ; une présomption favorable fondée sur la manière dont procèdent les naturalistes quand il s’agit d’une plante ou d’un animal.


A. DE QUATREFAGES.

  1. Je tiens ce renseignement de notre célèbre voyageur M. Dabbadie. Chez les nègres, le talon est en effet plus saillant qu’il ne l’est d’ordinaire chez le blanc, ce qui tient à la longueur plus grande du calcanéum ; mais on peut s’assurer, sur les squelettes que possède le Muséum, que ce caractère leur est commun avec les Houzouanas.