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cardons et à nos artichauts ; d’une autre, du raphanus sativus, sont sorties toutes nos races si diverses de radis, de raves et de raiforts. Du brassica oleracea, ou chou sauvage de nos côtes, sont issues cinq grandes familles de choux, les choux cabus ou pommés, dont certaines races doivent à leur couleur le nom de choux rouges ; les choux de Milan ou frisés, parmi lesquels se placent les choux de Bruxelles ; les choux verts, dont une race, le chou cavalier, remarquable par ses dimensions et baptisé du nom de chou colossal, servit il y a peu d’années à exploiter la crédulité publique ; les choux-raves, dont la racine renflée est devenue comestible ; les choux-fleurs et les brocolis, dont on recherche au contraire les masses florales. À chacune de ces familles se rattachent un certain nombre de races principales, subdivisées elles-mêmes en races secondaires toutes distinctes les unes des autres par quelque qualité spéciale, et ce n’est pas exagérer que de porter à une centaine le nombre de ces dérivés divers d’une seule espèce de chou. Presque tous les légumes, et on sait combien le chiffre en est grand, nous fourniraient des faits analogues.

Les espèces animales réduites à l’état domestique sont bien moins nombreuses que les espèces végétales soumises à la culture. M. Isidore Geoffroy, résumant dans son dernier ouvrage tous ses travaux antérieurs sur ce sujet, n’en compte que quarante-sept pour le monde entier, savoir : vingt et un mammifères, dix-sept oiseaux, deux poissons et sept insectes[1]. En revanche, ces espèces sont pour la question qui fait l’objet de nos études bien autrement intéressantes que les plantes. Ce ne sont plus seulement les lois générales communes à tous les êtres organises qui nous rattachent aux animaux ; ce sont chez tous des fonctions essentiellement de même nature, et chez les plus élevés une communauté d’organes et une similitude d’actes physiologiques allant parfois jusqu’à l’identité. Aussi entrerons-nous dans des détails plus circonstanciés relativement à ces derniers, les seuls que nous puissions examiner ici. En nous appuyant fréquemment sur leur histoire, nous rechercherons surtout jusqu’à quel point l’ensemble des races désignées par un nom spécifique commun remonte bien en réalité à une seule espèce.

Laissant de côté les insectes et les poissons, arrivons tout de suite à la classe des oiseaux. Ici se présente tout d’abord une espèce peu importante par elle-même, mais fort intéressante, en ce que l’époque de sa domestication est très récente, bien connue, et que

  1. J’emprunterai beaucoup a ce travail, auquel le savoir général de l’auteur et les études spéciales faites par lui pendant de longues années donnent une double autorité. Je dois surtout remarquer dès à présent qu’à l’exception d’un renseignement emprunté à M. Darwin, toutes les citations de la Bible, des Védas, du Chou-King et du Zend-Avesta relatives à la domestication des animaux sont dues à M. Geoffroy.