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et M. Isidore Geoffroy n’a point hésité à les réunir, tout en faisant remarquer combien l’erreur, d’ailleurs excusable, de son habile devancier venait confirmer les autres faits qui mettent hors de doute l’existence des races que nous appelons sauvages ou naturelles.

Il faudra revenir sur l’étendue et la valeur réelle des différences qui séparent certaines races : bornons-nous ici à constater qu’elles sont parfois considérables, et ajoutons une remarque importante. Les patries de deux races sauvages dissemblables au point d’avoir été considérées comme des espèces distinctes sont d’ordinaire très éloignées l’une de l’autre. Dans la même localité, dans des localités voisines, on ne rencontre le plus souvent que des variétés ou des races dont la grande ressemblance avec leur type spécifique ne laisse aucune place au doute. Les modifications sérieuses dans l’espèce se rattachent donc à un éloignement considérable des localités. Or cet éloignement même entraîne des changemens profonds dans le climat, la nature et les productions du sol, ou, en d’autres termes, dans les conditions d’existence, dans le milieu. Il serait difficile de voir une simple coïncidence entre le changement de ces conditions et la formation des races. Dès à présent donc, il serait permis d’affirmer qu’il doit y avoir là des relations de cause à effet ; mais ce résultat sera mis hors, de doute dans la suite de ce travail.

Races domestiques ou artificielles. — Lorsqu’il s’agit des races domestiques, nous n’avons plus à en démontrer l’existence. Ici tout désaccord cesse entre les naturalistes ; tous avouent que, sous l’influence de l’homme, les plantes comme les animaux peuvent subir des altérations, des dégénérescences, des modifications de toute sorte qui déguisent parfois si bien le type primitif, qu’il en devient méconnaissable. Tous reconnaissent que ces modifications se transmettent par voie d’hérédité. Mais comment l’homme parvient-il à acquérir cette influence, à exercer une action sur les animaux qui l’entourent ? Sans insister sur cette question, qui mérite d’être traitée avec quelque détail, il suffit de constater en passant que l’homme n’arrive jamais à ce résultat qu’en modifiant les conditions d’existence, et que par conséquent nous retrouvons encore ici les actions de milieu. Seulement, multipliées, variées, rendues plus énergiques par l’intervention de l’homme, elles produisent des effets plus nombreux et plus marqués ; Ainsi s’expliquent la multitude de races dérivées parfois d’une seule espèce domestique, et les différences profondes qui séparent les représentans de ces races.

Citons quelques exemples entre mille, en commençant par les végétaux[1]. Personne n’ignore combien peu se ressemblent entre

  1. La plupart de ces détails relatifs aux végétaux cultivés sont empruntés à l’ouvrage de M. Godron sur l’espèce, ainsi qu’aux articles insérés par M. Duchartre dans le Dictionnaire universel d’histoire naturelle.