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l’étant pas, il faut qu’elles soient prouvées, du moment qu’il s’agit d’une controverse régulière, et telle est la supposition. Or les deux maximes non-seulement ne sont pas prouvées, mais elles ne peuvent l’être, et l’on ne saurait prendre pour fondement d’une doctrine débattue ce qui ne possède pas l’évidence, ce qui ne comporte pas la démonstration. « L’unique règle de la foi, dit Leibniz, est de ne croire que ce qui est prouvé. » Entre cette règle et les deux maximes de Bossuet, l’incompatibilité est manifeste, et il faut en conclure que toutes les fois que la question de la conciliation des communions chrétiennes sera mise en pure controverse, c’est-à-dire ramenée à un débat de pur raisonnement, on échouera, chose assez naturelle, là où Leibniz et Bossuet ont échoué.


IV

Il resterait une question à examiner. Que faut-il penser du projet de réunion, fût-il exécuté par les procédés que Leibniz aurait préférés ? Le succès en eût-il été possible, en eût-il été désirable ? Nous sommes assez de l’avis de M. Foucher de Careil, qui ne croit pas que l’intervention de Bossuet dans cette affaire délicate ait été heureuse. On doit même regretter peu qu’il n’ait pas réussi, car des deux plans mis en concurrence pour une même œuvre, le sien n’était pas le meilleur. Quant à celui de Leibniz, rendons-lui d’abord justice. Les raisons morales surtout le font agir ; elles prennent la plus grande part à ses vœux et à ses efforts de conciliation. Ce n’est le triomphe ni d’une idée ni d’un pouvoir qui le touche ; c’est le bien de l’Europe, la paix entre les nations, l’ordre et l’harmonie dans la société. Il croit la religion et les sentimens qu’elle recommande et qu’elle inspire des choses essentielles à la moralité ; il les place au premier rang des devoirs de l’humanité, et les dissensions religieuses lui semblent dangereuses pour toute honnêteté et toute piété. C’est donc au nom de l’honnêteté et de la piété qu’il réclame de tous les concessions nécessaires. Il s’applaudit de voir ses coreligionnaires faire de très grands pas pour satisfaire à ce qu’on a jugé dû à la charité et à l’amour de la paix. « Le premier pas, dit-il, est de quitter ces manières qui sentent la dispute, ces airs de supériorité, cette fierté choquante, ces expressions de l’assurance où chacun est en effet, mais dont il est inutile et même déplaisant de faire parade auprès de ceux qui n’en ont pas moins leur part. » Il trouve que les demandes des religions du septentrion sont très bien fondées sur plusieurs points, et que celles qui communiquent avec Rome, refusant d’y avoir égard, deviennent coupables