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une conciliation des confessions de foi, étaient donc pour ainsi dire diplomatiques dans leur principe. Je prends cette qualification dans son meilleur sens : j’entends que ces efforts procédaient beaucoup moins d’un besoin doctrinal de ramener les croyances à l’identité théologique que d’un désir tout moral et tout bienveillant de supprimer des germes de conflits nouveaux, en rapprochant les esprits par la communauté des intentions, des sentimens et de certains principes ou de certaines expressions dont l’uniformité littérale pût abriter des dissidences intérieures et des variations spéculatives. Ce que l’on aspirait à voir disparaître, c’était plus encore le schisme que l’hérésie, et l’on poursuivait moins l’unité que l’union. « La paix religieuse était dans l’air, » dit très bien M. Foucher. C’est pour la préparer que l’empereur, l’électeur de Brandebourg et même le roi d’Espagne accordèrent leur confiance à un franciscain du nom de Spinola, qui, devenu évêque de Tina, puis de Neustadt, finit par se faire autoriser par le pape et accueillir des princes protestans de Saxe et de Brunswick. C’était un prêtre instruit, plein de bonnes intentions, mais qui ne paraît pas avoir été fort habile. Cependant, muni de pouvoirs assez étendus, il parvint, avec l’agrément du duc Ernest-Auguste, évêque protestant d’Osnabrück, à obtenir l’ouverture de conférences à Hanovre avec des professeurs de théologie, parmi lesquels on distinguait le président du consistoire, Gérard, abbé de Lockum, plus connu sous le nom de Molanus. Leibniz était au service de la maison de Brunswick. Il avait déjà depuis plusieurs années, et sous le règne du dernier duc, protestant converti, travaillé pour son compte à un plan de conciliation chrétienne. Il rêvait, comme beaucoup de grands esprits, l’établissement d’une église universelle qui comprît les sectes sous la loi d’un même évangile. Il était attaché par des liens de confiance mutuelle à l’abbé de Lockum Celui-ci fut chargé de rédiger les propositions conciliatoires en réponse à celles de l’évêque de Neustadt, qui prenait pour base l'exposition de la foi catholique de l’évêque de Meaux. C’est ainsi que le nom de Bossuet entra dans la négociation avant que Bossuet y entrât de sa personne.

Il ne paraît pas s’y être prêté avec un grand empressement, ou du moins, s’il écrivit le premier à Leibniz, ce fut pour l’entretenir d’un autre sujet qui pouvait n’être pas un prétexte. Leibniz ne l’avait pas connu dans ses voyages à Paris ; et en lui répondant d’un ton cérémonieux il a soin de lui faire compliment, au nom de l’évêque de Tina, sur son livre des controverses dont tout le monde fait grandissime état, et de l’assurer que son altesse sérénissime monseigneur le duc d’Hanover, qu’il a le bonheur de servir, veut bien être leur intermédiaire. Bossuet ne tarde pas à faire ses très humbles remercîmens,