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elle a, dans les départemens de la Haute-Loire et de la Loire, 187,700 mètres de développement. Cet espace est divisé en trente-six cantons de pêche ; il était affermé en 1857 au prix total de 5,689 francs, d’où il suit que l’étendue moyenne du canton est de 5,214 mètres, et le produit de 158 francs. L’aménagement de la pêche peut, tout le pays le sait, recevoir dans ce bassin des améliorations qui réagiraient sur tout le fleuve. Les riverains les plus âgés n’ont nul souvenir que l’administration des forêts en ait réalisé ou étudié aucune, et les recherches que j’ai pu faire moi-même comme membre d’un conseil-général ne m’ont appris que le vide absolu des archivés locales. En fait, l’administration des forêts n’a jusqu’ici manifesté d’autre pensée que celle de diviser à l’excès les cantons de pêche, pour accroître le nombre des concurrens aux adjudications et affermer de petites parcelles à l’écorchée, comme on dit, dans les environs de Paris, des locations de terrain à l’enchère. Le régime appliqué à la Loire est celui de toutes les rivières de France. Grâce à l’uniformité prescrite pour le commode exercice de la centralisation, on risque peu de s’égarer en jugeant du tout par la partie, ex ungue leonem, et l’on peut parier à coup sûr que l’aménagement administratif de la pêche est dans les watteringues de Dunkerque absolument le même que dans les eaux qui descendent des Alpes. Quoi qu’il en soit, une exagération de fractionnement à peine admissible dans l’exploitation du sol devient condamnable dans l’exploitation des eaux, où une solidarité réelle existe entre des domaines distincts. L’amoindrissement irréfléchi des cantons de pêche arrête chez les fermiers toute pensée d’améliorations. On ne maintient ainsi que l’appauvrissement des eaux, tandis que la brièveté des baux pousse à l’épuisement systématique des ressources de l’avenir[1].

Quand on compare l’état actuel de l’empoissonnement de nos eaux courantes à l’état passé ou à celui de cours d’eau analogues de quelques pays voisins, on se sent pénétré d’une double conviction : si l’appauvrissement contemporain est manifeste, la possibilité de faire renaître, d’accroître même beaucoup l’ancienne richesse, ne l’est pas moins. La décadence dont nous souffrons vient de loin, et il serait injuste de s’en prendre aux hommes vivans ou à l’une des générations qui les ont précédés. L’administration forestière n’a jamais possédé plus d’hommes instruits et zélés qu’aujourd’hui ; mais on ne peut pas invoquer son action sur des lieux où elle ne saurait être présente, la revêtir d’une autorité incompatible avec sa destination

  1. 4) Ces vérités paraissent comprises dans le bassin de la Saône, et plusieurs fermiers des cantons voisins de Mâcon essaient en ce moment même de former une association dont l’étendue promettrait des améliorations importantes : si l’on dit vrai, M. Vicaire, aujourd’hui directeur-général des forêts, serait très favorable à ce projet.