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de ces habitantes de la Mer du Nord. La sole ne s’arrête pas à Coblentz : on en pêche, mais non tous les ans, dans la Lahn. — L’autre exemple n’a pas eu d’aussi illustres témoins. La plie remonte la Loire tant que le lit en est sablonneux ; elle s’arrête au soulèvement de roches porphyriques qui sépare la plaine de Roanne de celle du Forez. Alléon-Dulac, à qui l’on manque rarement de recourir quand on étudie cette région, remarque, comme une singularité fort digne d’attention, que ce n’est qu’en 1770 que la plie y a fait sa première apparition. Depuis cette époque, elle n’a pas cessé de s’y montrer. — La mer est à 380 kilomètres de Coblentz, à 710 de Roanne. L’intermittence des migrations de la sole et la récente régularité de celles de la plie à de pareilles distances de la mer indiquent qu’il est permis d’espérer quelque chose de l’application des procédés de la pisciculture à l’introduction des poissons de mer dans l’eau douce.

Les recherches sur les migrations des poissons doivent être quelque chose de plus qu’une étude pleine d’attrait pour le naturaliste : elles se recommandent aussi par les résultats économiques qu’elles promettent. Ne fît-on qu’interdire la pêche de certains poissons aux époques de l’année où elle en arrête la reproduction, ou, mieux encore, interdire, s’il le fallait, pour plusieurs années toute espèce de pêche dans des eaux qu’il s’agirait de repeupler, un grand bien se réaliserait.

Le rétablissement de la viabilité des eaux que parcourt le poisson de la mer à leurs sources n’est pas d’une moindre importance ; il résulterait d’une règle qui ne serait ni équivoque, ni compliquée : on prescrirait que tout barrage établi sur une eau courante fût pourvu de couloirs ou de degrés par lesquels le poisson pût le franchir. Cette pratique observée dans le royaume-uni a plus d’une fois déterminé l’empoissonnement immédiat de rivières dont l’accès était fermé par des chutes naturelles. Malgré sa préférence pour les eaux connues, l’instinct inquisiteur du saumon lui fait bientôt découvrir les nouvelles extensions de son domaine. M. Coste a recueilli en Irlande un exemple frappant de l’efficacité de ce procédé. « Près de Sligo, dit-il, trois petites rivières, l’Arnou, la Collanes et le Colaney, se réunissent sur un même point et se précipitent à pic dans la mer d’une hauteur de plus de vingt pieds. Toute communication entre la mer et les rivières étant impossible pour le poisson, ces rivières se trouvaient privées de saumons. Un propriétaire, M. Cooper, de Markrec-Castle, eut l’idée d’établir à côté de ce petit Niagara une échelle à saumons, et son essai réussit au-delà de ses espérances. Dès la première année, on vit quelques saumons remonter l’échelle ; l’année suivante, on en