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« M. Guizot à M. Casimir Périer.

« Paris, 14 juillet 1842.

« Monsieur, une affreuse catastrophe vient de plonger la famille royale dans le deuil le plus profond, et de jeter dans Paris un sentiment de douleur que la France entière partagera bientôt. Hier matin, monseigneur le duc d’Orléans, sur le point de partir pour Saint-Omer, où il devait inspecter une partie des troupes destinées à former le camp de Chalons, se rendait à Neuilly pour y prendre congé du roi. Les chevaux qui le conduisaient s’étant emportés, son altesse royale a voulu sortir de la voiture pour échapper au danger qui la menaçait. Dans sa chute, elle s’est fait des blessures tellement graves que, lorsqu’on l’a relevée ; elle était sans connaissance et qu’elle n’a plus repris ses sens. Transporté dans une maison voisine, le prince y a rendu le dernier soupir, après quelques heures d’agonie, entre les bras du roi et de la reine, et de tous les membres de la famille royale présens à Paris et à Neuilly. Mme la duchesse d’Orléans est à Plombières, où elle s’était rendue pour prendre les eaux. Mme la princesse Clémentine et Mme la duchesse de Nemours viennent de partir pour lui donner, en mêlant leurs larmes aux siennes, les seules consolations qu’elle puisse recevoir. M. le duc de Nemours, M. le prince de Joinville, M. le comte de Paris et M. le duc de Chartres sont également absens. Des exprès leur ont été envoyés. Dans ce malheur si affreux et si imprévu, leurs majestés ont montré un courage qui ne peut être comparé qu’à l’immensité de leur douleur. Elles n’ont pas quitté un moment le lit de leur fils mourant, et elles ont voulu accompagner son corps jusqu’à la chapelle où il a été déposé. La population de Paris tout entière s’est associée au sentiment de cette grande infortune, et toute autre préoccupation a fait place à celle d’un événement qui n’est pas seulement une grande calamité pour la famille royale, puisqu’il enlève à la patrie un prince que ses hautes qualités rendaient si digne d’occuper un jour le trône auquel sa naissance l’appelait. »

En Russie comme partout, l’impression produite par ce déplorable événement fut profonde ; M. Casimir Périer m’en rendit compte, ainsi que des velléités de rapprochement qu’elle avait suscitées à Saint-Pétersbourg, dans les trois lettres suivantes.


« M. Casimir Périer à M. Guizot.

« Saint-Pétersbourg, 23 juillet 1342.

« Monsieur,

« La dépêche que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 14 de