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tels documens veulent être cités avec une fidélité scrupuleuse ; ce ne sont pas des modèles de style ou de correction qu’on y cherche.

« Monsieur le comte, j’ai été on ne peut pas plus sensible à la vôtre obligeante de Rome, du 24 mars, je me mets entièrement dans les bras d’un si digne ami que vous êtes, monsieur, car je ne connais personne à qui je puisse confier mieux et mon honneur et mes intérêts. Tâchez de terminer cette affaire le plus tôt possible. Je consens pleinement à une séparation totale avec ma femme, et qu’elle ne porte plus mon nom. En vous renouvelant les plus sincères sentimens de reconnaissance et d’amitié, je suis votre bon ami,

« C. D’ALBANIE[1]. »


Les conditions de la séparation furent réglées par le roi de Suède et le cardinal d’York. La comtesse abandonna la plus grande partie de son douaire, et la cour de France, pour faciliter cet arrangement, lui assura une rente annuelle de 60,000 livres. Ces conventions une fois arrêtées, et le pape ayant autorisé la séparation a mensa et thoro, Charles-Édouard signa la déclaration que voici :


« Nous, Charles, roi légitime de la Grande-Bretagne, sur les représentations qui nous ont été faites par Louise-Caroline-Maximilienne-Emmanuel, princesse de Stolberg, que pour bien des raisons elle souhaitait demeurer dans un éloignement et séparation de notre personne, que les circonstances et nos malheurs communs rendaient nécessaires et utiles pour nous deux, et considérant toutes les raisons qu’elle nous a exposées, nous déclarons par la présente que nous donnons notre consentement libre et volontaire à cette séparation, et que nous lui permettons dores en avant de vivre à Rome, ou en telle autre ville qu’elle jugera le plus convenable, tel étant notre bon plaisir.

« Fait et scellé du sceau de nos armes en notre palais à Florence, le 3 avril 1784.

« Approuvons l’écriture et le contenu ci-dessus.

« CHARLES R. »


La comtesse d’Albany (car elle continua de porter ce nom) profita bientôt de sa liberté pour quitter Rome ; mais, n’osant pas encore braver l’opinion publique au point de se retrouver avec Alfîeri dans quelque ville d’Italie, elle lui donna rendez-vous en Alsace ; Elle était allée passer la chaude saison au pied des Vosges ; ce fut là, dans une jolie maison de campagne non loin de Colmar, que les deux amans se retrouvèrent. Le poète y demeure deux mois, et aussitôt voilà les tragédies qui reprennent l’avantage sur les coursiers

  1. Charles-Edouard signait comte d’Albanie, et sa femme comtesse d’Albany. Cette différence d’orthographe est-elle simplement fortuite ? ou bien ne serait-ce pas après la séparation que la comtesse aurait modifié ainsi le nom de pure fantaisie que son mari s’était donné ? M. de Reumont ne nous fournit aucun renseignement sur ce point.