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que les circonstances exigent. En effet, l’empereur s’est prononcé, et il n’y a plus à en douter, M. de Pahlen ne retournera pas à Paris dans l’état actuel des choses. La prolongation de mon séjour à Pétersbourg devient aussi inutile qu’incompatible avec la dignité du gouvernement du roi. »


Je lui répondis le 23 juin :

« Monsieur,

« Le roi vient de vous nommer commandeur de la Légion d’honneur. Le baron de Talleyrand vous en porte l’avis officiel et les insignes. Je suis heureux d’avoir à vous transmettre cette marque de la pleine satisfaction du roi. Dans une situation délicate, vous vous êtes conduit et vous vous conduisez, monsieur, avec beaucoup de dignité et de mesure. Soyez sûr que j’apprécie toutes les difficultés, tous les ennuis que vous avez eus à surmonter, et que je ne négligerai rien pour qu’il vous soit tenu un juste compte de votre dévouement persévérant au service du roi et du pays.

« Je comprends la préoccupation que vous cause et les devoirs que vous impose la santé de Mme Périer. J’espère qu’elle n’a rien qui doive vous alarmer, et que quelques mois de séjour sous un ciel et dans un monde plus doux rendront bientôt à elle tout l’éclat de la jeunesse, à vous toute la sécurité de bonheur que je vous désire. Le roi vous autorisera à prendre un congé et à revenir en France du 1er au 15 août. Dès que le choix du successeur qui devra vous remplacer par intérim, comme chargé d’affaires, sera arrêté, je vous en informerai.

« J’aurais vivement désiré qu’un poste de ministre se trouvât vacant en ce moment. Je me serais empressé de vous proposer au choix du roi. Il n’y en a point, et nous sommes obligés d’attendre une occasion favorable. Je dis nous, car je me regarde comme aussi intéressé que vous dans ce succès de votre carrière. J’espère que nous n’attendrons pas trop longtemps. »

Mais en annonçant à M. Casimir Périer un prochain congé, j’avais à cœur que personne en Europe, surtout en Allemagne, ne se méprît sur le motif qui me décidait à le lui accorder, et que la situation entre Paris et Pétersbourg restât bien clairement telle que l’avait faite cet incident. J’écrivis le 4 juillet à l’ambassadeur de France à Vienne, M. de Flahault :

« Mon cher comte,

« Casimir Périer me demande avec instance un congé pour ramener en France sa femme malade, et qui a absolument besoin de bains de mer sous un ciel doux. Je ne puis le lui refuser. Il en usera