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Fitz-James vint lui offrir la main de l’héritier des Stuarts. Comment une telle offre ne l’eût-elle point séduite ? « C’était une couronne qu’on lui présentait, dit M. de Reumont, une couronne tombée assurément, mais si brillante encore de l’éclat que lui avaient donné plusieurs siècles sur un des premiers trônes de l’univers, une couronne illustre autrefois et consacrée de nouveau par la majesté de l’infortune, par le dévouement de ses serviteurs, par le hardi courage de l’homme qui avait essayé de la ressaisir tout entière. »

L’affaire fut menée secrètement. La mère de la princesse ne demanda pas l’autorisation de l’impératrice Marie-Thérèse, craignant que la politique autrichienne ne s’opposât à un mariage qui devait nécessairement irriter l’Angleterre ; elle se rendit à Paris avec sa fille, et c’est là que le mariage fut contracté par procuration le 28 mars 1772. Le duc de Fitz-James avait reçu tous les pouvoirs de Charles-Edouard pour signer l’acte en son nom. La jeune femme, accompagnée de sa mère, se rendit ensuite à Venise et s’y embarqua pour Ancône. C’était dans la Marche d’Ancône, à Lorette, que le mariage devait être célébré ; mais, des difficultés étant survenues, une grande famille italienne établie non loin d’Ancône, à Macerata, la famille Compagnoni Marefochi, offrit au prince son château pour la cérémonie. Charles-Edouard s’y était rendu en toute hâte dès qu’il avait appris le départ de sa fiancée, chargeant un de ses amis, lord Carlyll, d’aller recevoir la princesse à Lorette et de la conduire à Macerata. La célébration du mariage eut lieu le 17 avril 1772. C’était, chose singulière, un vendredi saint. Monseigneur Peruzzini, évêque de Macerata et de Tolentino, bénit l’union des fiancés dans la chapelle du château en présence d’un petit nombre de témoins. Charles-Edouard n’avait oublié aucun de ses titres ; ce vieillard, usé par l’intempérance, qui s’agenouille péniblement sur ces coussins de velours auprès de cette jeune femme aux yeux bleus, aux cheveux blonds, éblouissante de grâce et de beauté, c’est Charles III, roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, défenseur de la foi. Les témoins étaient sir Edmond Ryan, major au régiment de Berwick, Mgr Ranieri Finochetti, gouverneur-général des Marches, Camille Compagnoni Marefochi et Antoine-François Palmucci de Pellicani, patriciens de Macerata. Une médaille fut frappée pour perpétuer le souvenir de cet événement ; sur l’une des faces, on voyait le portrait de Charles-Edouard, sur l’autre celui de la jeune femme, et la légende, inscrite aussi sur la muraille de la chapelle, portait ces mots en latin : Charles III, né en 1720, roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, 1760. Louise, reine d’Angleterre, de France et d’Irlande. 1772.

Deux jours après le mariage, le soir de Pâques, les nouveaux époux quittèrent le château de Macerata et se dirigèrent à petites