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au comitat, et termine un discours applaudi avec enthousiasme en disant qu’il vient renouveler le seraient prêté par lui à la même place il y a douze ans. On est obligé de rendre aux villes les maires de 1848. Comme candidats aux comités départementaux, on propose aux acclamations de tous les noms de ministres ou de personnages qui ont joué les rôles les plus prononcés en 1848. Si par contre l’on vient proposer le nom d’un homme qui depuis douze ans ait occupé une place dans l’administration, un cri unanime part de l’assemblée : « il est mort ! » Les Hongrois raient ainsi du livre des vivans ceux qui ont pactisé avec l’Autriche. Si l’on détourne son attention de la Hongrie pour la porter sur les autres parties de l’empire, on ne peut se dissimuler les profonds ravages que la désaffection a produits partout. À la désaffection se mêle un sentiment non moins fatal au pouvoir, le découragement de populations qui ne croient point à la capacité des hommes placés à leur tête, et qui ne veulent plus voir autour du trône la main qui pourra les sauver. Certes, en prenant en main le gouvernement à une pareille heure, M. de Schmerling fait un acte remarquable de courage et d’abnégation, et mérite d’être soutenu par les encouragemens du libéralisme européen. On lui prête ce mot patriotique : « Je défendrai l’empire à l’intérieur comme le général Benedek saura le défendre au dehors ! » Hélas ! dans de telles circonstances, les bonnes volontés ne sont que trop souvent impuissantes. L’Autriche est engagée dans un dilemme semblable à celui qui est posé en Italie : la révolution sera-t-elle contenue ou fera-t-elle explosion en Hongrie ? L’alternative est plus douloureuse encore pour l’Autriche, car dans l’un de ces cas ce n’est plus seulement du sort de la Vénétie qu’il s’agît pour elle, mais de l’existence même. On attribue au général Benedek ce mot fier et résigné, qui peint bien cette situation menaçante : « L’enjeu de la partie qui va se jouer est la question de savoir s’il y aura encore une grande Autriche, ou si l’Autriche deviendra un état du rang de la Bavière. » Ici encore la partie sera engagée par la force des choses bien plus que par les volontés humaines. L’Italie et la Hongrie, représentées par leurs assemblées, exerceront l’une sur l’autre une attraction inévitable. Qui peut dire « qu’un tel état de choses ne prépare pas un nouveau théâtre aux glorieuses folies du solitaire de Caprera ?

Il y a dans les faits qui s’agitent en Italie et en Autriche une puissance d’excitation pour les populations voisines que personne ne saurait méconnaître. Nous ne voulons point en calculer ici les effets sur l’Allemagne et sur la Turquie. Nous dirons seulement que l’on se tromperait, si l’on attribuait à la majorité du peuple allemand une indifférence réelle sur les périls que courrait l’Autriche, ne fût-ce que du côté de l’Italie. On peut juger au contraire de la sympathie sérieuse que la cause de l’Autriche inspire même en Prusse par un amer et véhément article publié récemment dans la Feuille hebdomadaire prussienne à propos de la brochure française sur le rachat de la Vénétie dont nous parlions il y a quelques jours. Nous avons eu plu-