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brasserie de la ville des réunions où un ancien membre de la montagne de notre dernière assemblée républicaine, M. Thourel, aujourd’hui avocat du barreau d’Aix, est venu plaider la cause de l’autorité municipale. Mais l’intervention la plus surprenante dans cette lutte électorale est celle de l’évêque de Marseille. Le 10 décembre, le vénérable prélat envoyait à ses curés une circulaire où il est dit : « M. le maire de Marseille croit avec moi que ses bonnes dispositions toujours persévérantes en faveur de nos églises sont assez comprises pour qu’il puisse avoir toute confiance dans votre concours. Vous lui prouverez que cette confiance est bien fondée. » Certes nous ne prétendons point contester au clergé et à l’épiscopat l’usage de leur influence politique dans les situations et à propos des questions où sont en jeu les grands intérêts du pays et les grands principes de la société et de la religion ; mais nous ne saurions nous expliquer ni approuver que dans les controverses auxquelles l’église n’est mêlée ni par ses intérêts, ni par ses doctrines, l’autorité épiscopale renonce à l’impartialité qu’elle doit à tous ceux qu’elle est chargée de conduire. Nous ne craindrons pas de dire que la neutralité en matière politique est ; prescrite au clergé dès qu’elle est permise à sa conscience. Nous avons donc peine à comprendre que l’évêque de Marseille se soit laissé distraire des prières que lui demande le pape en détresse, pour écrire des circulaires en faveur d’une administration municipale.

Nous ne nous dissimulons pas que l’exposé et l’appréciation d’un fait secondaire en soi, comme l’est l’élection d’une municipalité départementale, sortent un peu de notre compétence et appartiendraient plutôt à la presse quotidienne : ce sont les journaux qui devraient porter la lumière sur la pratique du suffrage universel, recueillir tous les élémens d’information qui sont de nature à perfectionner l’éducation du public en matière électorale ; mais nos journaux n’ont pas l’air de vouloir secouer encore l’indolence où les entretient depuis si longtemps le monopole. Si l’on trouve que nous avons prêté trop d’attention aux élections marseillaises, nous avons une autre excuse, et nous l’avons présentée d’avance. De si grandes décisions peuvent être avant peu demandées à la France, et par conséquent au suffrage universel, que rien ne nous parait trop petit et indigne d’étude dans ce qui peut nous apprendre quelque chose sur les mœurs du suffrage universel et sur la conduite d’un instrument à la fois si puissant et si difficile à manier.

Ce qui nous donne à réfléchir dans la situation extérieure, ce n’est point le détail des questions, les faits qui se déroulent au jour le jour ; c’est un ensemble de circonstances dont nous allons essayer d’exprimer le caractère général.

La crise qui travaille quelques-unes des grandes contrées de l’Europe est-une crise d’instabilité et d’affaiblissement. Il y a dans certaines parties du continent ou une débilitation ou une incertitude extrême. En vérité, quand