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la bonne politique pour faire de bonnes finances : on pourrait peut-être aujourd’hui renverser la proposition et dire au corps législatif qu’en cherchant à faire de bonnes finances, il obligera le gouvernement à faire de la bonne politique. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il est temps d’aviser et de s’arrêter dans une voie où l’on se berce des illusions les plus dangereuses. On a beau déclarer que la prospérité publique est grande et qu’elle peut satisfaire à tous les besoins ; cela-est possible aujourd’hui, mais ce ne sera peut-être plus possible demain. D’ailleurs il n’y a pas de prospérité publique qui puisse tenir à une augmentation incessante de dépenses dont le résultat est toujours une augmentation d’impôts. En 1852, lorsqu’on établit le vote du budget par ministère au lieu du vote par chapitre, qui existait précédemment, on prétendit que cette mesure devait faciliter les viremens de compte, et qu’on mettrait ainsi fin aux crédits supplémentaires, en les compensant avec les crédits annulés. Il existe notamment une note officielle, du 11 mars 1853, où l’on déclarait que, grâce à cette division par ministère, l’équilibre du budget serait enfin une réalité. Qu’est-il advenu de ces promesses ? A-t-on profité en effet de cette faculté de viremens pour éteindre les crédits supplémentaires ? Loin de là : jamais ils n’ont été plus considérables. Si nous prenons, depuis 1852, les années qui n’ont pas été traversées par la guerre, nous voyons qu’en 1853 les excédans de crédits supplémentaires sur les crédits annulés ont été de 59 millions, de 140 millions en 1857, d’une somme à peu près égale en 1858, et si nous avons évalué à 2 milliards la dépense probable du budget de 1860, c’est que nous avons pensé qu’il en serait encore de même cette année. Rien n’est venu en effet nous donner à croire qu’il en> serait autrement.

Cet abus des crédits supplémentaires, qu’on a vu persister et grandir malgré l’innovation du vote par ministère, a été tellement senti, qu’il a donné lieu de la part de la commission du budget pour l’année 1859 à des observations qu’il est bon de rappeler : « Sous l’ancienne législation, disait le rapporteur de cette commission[1], l’usage des crédits supplémentaires était limité à un certain nombre de chapitres, qui tous appartenaient à des services votés, et qui étaient désignés dans une nomenclature annexée à la loi annuelle des finances. En dehors de ces chapitres, il était formellement interdit d’ouvrir un crédit supplémentaire par ordonnance ou par décret. Dès lors l’usage de ces crédits ne pouvait donner lieu à aucun abus, car un chapitre n’était admis dans la nomenclature que s’il se rapportait à une nature de dépenses dont l’augmentation dépendait, non de la volonté du

  1. M. Devinck.