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revenus sont aujourd’hui arrivés ; évaluons au même chiffre la dépense supplémentaire qui naîtrait d’une telle crise, car si les revenus diminuent, il n’en est pas de même des dépenses[1]. Alors en effet surgissent des besoins extraordinaires auxquels il faut pourvoir à tout prix : ce sont les grands travaux d’utilité publique que les compagnies abandonnent et que l’état est obligé d’exécuter, sous peine de voir les ateliers déserts et les ouvriers sur le pavé ; ce sont des aides de toute nature qu’il est obligé de prêter au commerce et à l’industrie, alors que le plus souvent ses soins sont réclamés par des complications extérieures. Par conséquent, avec 200 millions de moins dans les revenus ordinaires et 200 millions de plus dans les dépenses, on est immédiatement en présence d’un déficit de 400 millions. En 1848, la différence entre les ressources et les dépenses a été de 560 millions, qu’il fallut se procurer par des moyens extraordinaires, notamment l’impôt des 45 centimes sur la propriété foncière, la consolidation en rentes des fonds de caisses d’épargne et des bons du trésor, l’emprunt à la Banque de France, etc. Si nous avions de nouveau les mêmes difficultés à traverser, il est douteux que notre situation fût meilleure. La dette flottante, liquidée en 1848, se trouve revenue à 759 millions[2] contre 630, qu’elle atteignait en 1848[3] ; la dette publique est augmentée de 3 milliards 275 millions (de 5 milliards 838 millions à 9 milliards 113 millions), et le budget en prévision est de 1 milliard 844 millions pour 1861 contre 1 milliard 446 millions pour 1848. Le trésor avait alors quelques ressources extraordinaires ; il se trouvait notamment créancier de sommes assez considérables qu’il avait avancées aux compagnies de chemins de fer. Aujourd’hui les ressources extraordinaires du trésor sont à peu près nulles ; on n’aurait, tant pour liquider la dette flottante que pour faire face aux besoins extraordinaires qui naîtraient de la crise, que le recours à l’emprunt ou à des impôts nouveaux. On a beaucoup blâmé la république de son impôt extraordinaire des 45 centimes. Certes rien ne contribua davantage à la discréditer ; il lui fallait cependant recourir à l’impôt direct ou à l’emprunt. Elle ne pouvait pas s’adresser aux impôts indirects : les impôts indirects, avec leur augmentation progressive, sont une ressource excellente en temps ordinaire ; mais en temps de crise, loin d’augmenter, ils diminuent, sans que cette diminution puisse être compensée par

  1. En 1848, le budget, évalué d’abord à 1 milliard 446 millions, a été réglé définitivement à 1 milliard 746 millions, dépassant ainsi de 300 millions les charges prévues.
  2. 5) Rapport de la commission du budget pour 1861, page 8.
  3. Voyez, dans la Revue du 15 septembre 1849, l’étude qui a pour titre : de l’Équilibre des budgets sous la monarchie de 1850, par M. S. Dumon, ancien ministre des finances.