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les plus stériles, pour ce qui constitue ce qu’on appelle le troisième réseau, ce qu’on accordait autrefois pour le réseau principal, pour la ligne de Paris à Strasbourg, pour celle de Paris à Bordeaux[1]. Il a été dépensé, en travaux de ce genre, de 1855 à la fin de 1858, la somme de 1 milliard 898 millions, dont 130 par l’état, et le reste, soit 1 milliard 768 millions, par des compagnies particulières, sauf quelques millions de subvention accordés par les communes. — Pourquoi l’état intervient-il moins aujourd’hui ? Précisément parce que la richesse publique s’est développée.

Il n’est qu’une dépense qui soit réellement susceptible d’augmenter en raison même du progrès de la richesse publique : c’est le traitement des employés ; mais on peut tout au plus évaluer à 12 ou 15 millions le supplément de dépense affecté à cet emploi. Encore est-il permis de dire qu’on pourrait peut-être regagner par la diminution du nombre des employés ce que l’on perd par l’élévation des traitemens. Il est certain que nous avons en France une administration très coûteuse, plus coûteuse que partout ailleurs. Serait-il donc impossible de réduire le nombre des employés en obéissant à la loi du progrès, qui cherche à simplifier le travail et arrive au même résultat avec moins de frais ? Cependant, si le travail se simplifie, dira-t-on, la besogne augmente ; par conséquent le résultat est le même. Ceci peut être vrai pour une administration particulière, dont les profits s’élèvent en raison du développement des affaires, et où les employés sont les instrumens de ce développement. Il n’en est pas de même de l’état. L’état n’a aucun intérêt à donner de l’extension à ses affaires, puisqu’il n’en tire aucun profit. D’ailleurs pourquoi s’étendraient-elles ? Serait-ce que l’état aurait besoin d’intervenir davantage ? Il nous semble que c’est plutôt le contraire qui doit avoir lieu, car, nous le répétons, plus la société est riche, plus elle est en mesure de faire ses propres affaires et de se passer de l’intervention de l’état. Et puis serait-il donc impossible que l’état fît comme tout le monde, qu’il eût moins d’employés pour faire plus de besogne ? Supposons pour un moment que l’administration publique de la France ait été donnée à ferme à une compagnie particulière : croit-on que cette compagnie aurait augmenté le nombre de ses employés en raison de l’accroissement des affaires ? Ce qui est certain au contraire, c’est que le nombre des employés de cette compagnie serait bien inférieur à celui des employés de l’état. On ne peut exiger que l’état administre aussi économiquement

  1. On peut se rendre compte par un chiffre de cette différence de l’intervention de l’état dans les grands travaux d’utilité publique. En 1846, les travaux extraordinaires figuraient au budget pour 169 millions, en 1847 pour 177 millions 1/2 ; ils ne figurent plus que pour 31,600,000 fr. au budget de 1860 et pour 31,900,000 fr. à celui de 1861.