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ou plutôt n’étant cause que de nom. C’est une véritable cause, une cause intelligente, libre, agissant selon un conseil éternel; c’est l’être tout parfait concentrant en sa mystérieuse unité l’intelligence, la sagesse, la liberté, la justice, la bonté, en un mot toutes les perfections morales.

Si Dieu est par essence un principe d’intelligence, d’harmonie et de bonté, le mystère de l’origine des choses s’éclaircit. L’univers n’est plus l’ouvrage du hasard ou de la nécessité. Il est un acte d’amour, un rayonnement de la pensée de Dieu, une expression vivante de ses perfections. Toutes les formes possibles de l’existence sont éternellement présentes à la sagesse divine. Voilà la matière tout idéale du monde. Dieu y choisit parmi toutes les combinaisons la meilleure, celle où la simplicité des moyens se combine avec l’excellence et la fécondité des résultats. On croit faire Dieu plus grand en concevant sa puissance comme absolue et supérieure à toute loi; « mais, s’écrie Leibnitz, où sera donc sa justice et sa sagesse, s’il n’a qu’un pouvoir despotique, si la volonté lui tient lieu de raison, et si, selon la définition des tyrans, ce qui plaît au plus puissant est juste par là même? »

Cette idée d’un Dieu adorable dans ses voies est l’idéal de l’homme de bien, qui toujours dans sa conduite s’efforce d’imiter le Créateur, c’est-à-dire de tout faire en vue du mieux, et qui, alors même que ses prévisions sont démenties et ses desseins avortés, se résigne de bonne grâce, convaincu que la Providence tire le bien du mal, et fait tout aboutir à la meilleure fin. Il ne faut pas être aisément parmi les mécontens dans aucune république; mais dans la république dont Dieu est le chef, le mécontentement est de l’aveuglement et de la folie.

Celui qui n’envisage que le monde où vit l’humanité et ne s’attache qu’à la condition présente et visible de l’univers, celui-là ne peut comprendre l’économie du plan divin, parce qu’il ne voit pour ainsi dire qu’une scène du drame infini de la vie universelle. « Il est semblable à un homme né et élevé dans les mines de sel de la Thrace, et qui se persuaderait qu’il n’y a dans le monde d’autre lumière que la faible lueur de ces lampes languissantes qui suffisent à peine à diriger ses pas dans l’obscurité. » Etendons nos regards à l’avenir et au passé. Tout être, quel qu’il soit, homme, animal, plante et ce qu’on appelle chose inanimée, tout être est immortel de sa nature. Rien ne périt, comme rien ne commence d’être, absolument parlant. Création, annihilation, ce sont des mots de la langue de Dieu, non de celle des hommes. Pour nos yeux corporels, les êtres semblent sortir du néant pour y rentrer. La raison dissipe ces prestiges; elle nous apprend que la mort n’est, comme