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ordre. Les ports d’intérêt général sont à la charge de l’état, et leurs revenus mêmes doivent être consacrés aux améliorations qu’ils réclament. En mai 1852, ce produit ne s’était élevé qu’à 5 millions de réaux; en 1858, il a atteint le chiffre de 6 millions 1/2. On conçoit toute l’insuffisance d’une pareille allocation; aussi les ports figurent-ils pour un chiffre important dans les nouveaux crédits attribués au ministère de fomento. Il est juste de ne pas oublier que le gouvernement espagnol s’est occupé activement de l’établissement des phares et a complété en peu de temps un service étendu de lignes télégraphiques.

Ce qui appelle encore toute la sollicitude du ministère O’Donnell, ce qui ne permet ni délai ni parcimonie, c’est la création d’un système de petite vicinalité. Les chemins vicinaux proprement dits, ces modestes sentiers qui unissent entre eux les petits centres de population et même les habitations isolées, qui servent à l’écoulement journalier des produits locaux, à l’alimentation ordinaire des peuples, manquent sur tous les points de la Péninsule. Tous les transports, même ceux du charbon, du blé, du bois, des pierres, s’y font à des de mules ou sur des charrettes à travers champs, quand la température et l’état des récoltes le permettent. Quelles seraient les conséquences d’une nouvelle organisation de ces chemins pour la propriété foncière, pour la consommation; quels accroissemens en résulteraient dans le produit des impôts indirects, dans le revenu des chemins de fer, dans les octrois des villes, on s’en fera une idée d’autant plus aisément, qu’on sait tout ce qui a été dit de la fertilité du territoire espagnol et de l’esprit de ses populations. Sans doute le gouvernement ne peut subvenir directement à une dépense qui excéderait de beaucoup ses forces, et qui incombe seule aux localités. Qu’on nous permette cependant de rappeler aux ministres de la reine tout ce que la prospérité de la France doit à la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux. Cette loi n’était pas la première qui prît à tâche de régler un point aussi important de l’administration communale. On comptait avant elle les lois de 91, de l’an XIII et de 1824; mais l’autorité ne possédait aucun moyen coercitif de vaincre la mauvaise volonté ou l’insouciance des communes : la loi de 1836 a ordonné la formation d’un état des chemins vicinaux, a posé les conditions d’établissement, enfin a rendu obligatoires les dépenses nécessaires pour les entretenir et les créer. Grâce à l’impulsion vigoureuse de cette loi, en 1841 la France possédait 52,000 kilomètres de chemins de grande communication sur 586,000 kilomètres de chemins vicinaux ordinaires. On ne peut sans doute indiquer au gouvernement espagnol l’exemple de nos centimes spéciaux et de nos prestations en argent