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ressources annuelles ne suffisent point à payer toutes les dépenses nécessaires. Pour extirper ce mal, pour augmenter les ressources, M. Sanchez Ocaña, ministre des finances en 1858, demandait aux cortès une augmentation de 50 millions sur la contribution foncière. M. Salaverria non-seulement a maintenu cette augmentation, mais en 1859 il a modifié les droits sur les tabacs, le sel, l’exportation du sel, du plomb, etc. En 1860, il a étendu le droit d’hypothèque à la transmission des biens mobiliers, augmenté les droits de timbre; enfin, à l’occasion de la guerre avec le Maroc, il a frappé les contributions directes d’une surtaxe de 12 pour 100, et de 10 pour 100 les autres impositions. Pour 1861, quoique la guerre ait cessé, quoique, par suite du traité avec le Maroc, l’Espagne doive être presque indemnisée de ses dépenses militaires, les surtaxes ont été maintenues, et le budget des ressources ordinaires sera porté à la somme de 1 milliard 934 millions de réaux; c’est le chiffre le plus élevé qui ait encore été imposé aux habitans de la Péninsule.

Il importe de remarquer à cette occasion, pour justifier une telle augmentation d’impôts, que le budget espagnol ne s’est pas, comme dans d’autres états européens, modifié d’une manière insolite depuis une assez longue période d’années. Sous Charles III, en 1788, le budget de la monarchie espagnole s’élevait à 1 milliard 823 millions de réaux, et sous Charles IV à 1 milliard 600 millions. Le budget de M. Ballesteros, sous le régime absolu de Ferdinand VII, ne montait qu’à 450 millions; mais il ne comprenait rien pour la dette, rien pour la marine, rien pour le clergé, rien pour les classes passives, c’est-à-dire que, d’après les chiffres actuels des dépenses, il faudrait y ajouter près de 1 milliard. Sans remonter plus haut que la réforme financière dont M. Mon est l’auteur et que l’établissement du nouveau système d’impôts, le chiffre des dépenses ordinaires n’était en 1845 que de 1 milliard 183 millions de réaux, et jusqu’en 1853 il ne dépassa pas 1 milliard 407 millions; mais les dépenses provinciales et municipales n’y figuraient pas. En 1856, le total de toutes ces dépenses montait à 1 milliard 700 millions de réaux à peu près; or il n’est pas aujourd’hui de 2 milliards. Nous n’avons garde de considérer comme un bien ni l’immutabilité du chiffre de ces dépenses, dites ordinaires, qui caractérisent l’activité de la vie sociale, ni le statu quo dans le rendement de ces impôts, critérium de la prospérité intérieure. Si les dépenses ordinaires de l’Espagne ne se sont pas accrues dans une plus forti^ proportion, il faut le regretter doublement, puisque les recettes ordinaires ne suffisaient pas même à solder les dépenses de même nature, et que le déficit dans le budget, comme l’immobilité dans l’existence sociale, était permanent.

Bien loin même d’accuser le ministère O’Donnell d’avoir trop de-