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titres publics dont les états prospères cherchent à s’affranchir. Toutes ces obligations, émises pour des travaux d’utilité générale et des dépenses extraordinaires, seront amorties dans un délai déterminé par la vente des biens nationaux. Dans la séance des certes du 22 novembre 1860, à l’occasion de la conversion de la dette d’ultramar (dette des colonies) en dette amortissable de deuxième classe, M. Polo a formulé la même observation contre cette multiplicité de valeurs, et présenté le tableau de vingt et une espèces de titres publics cotés à la bourse à des taux différens. Les reproches de l’honorable député avaient plutôt pour objet la variété des titres de rente proprement dite, consolidée, différée, amortissable, etc., que l’émission des obligations de diverse nature auxquelles s’adressent nos propres remarques. Le ministre des finances a très sagement défendu la conversion de 1851. Si les titres de la rente sans intérêt peuvent dès à présent être évalués en 3 pour 100, et sont susceptibles d’escompte avant l’époque de l’amortissement, cela tient à l’excellence de la conversion elle-même, qui a donné un prix réel à des titres sans valeur. Devancer le moment d’une libération qui peut paraître trop facile serait faire payer deux fois à l’état ce qu’on a considéré comme un bienfait de payer une fois. Quant aux obligations, dont on regrette la multiplicité, le ministre peut répondre qu’il ne les a pas créées toutes, et que s’il en a émis de nouvelles, c’était pour ne plus émettre du 3 pour 100. Des emprunts en rente 3 pour 100 n’eussent pas été amortis dans un bref délai ; les obligations le seront. Sans doute, mais comment ? À l’aide de la vente des biens du clergé. Or ces biens ne s’échangent-ils pas contre du 3 pour 100, 3 pour 100 inaliénable, il est vrai ? C’est la seule différence à invoquer en faveur de ce mode d’emprunt.

Il ne convient pas en définitive de se montrer sévère sur des opérations que la nécessité impose aux hommes chargés de la lourde tâche de ramener dans les finances l’ordre et la régularité nécessaires ; ce qui importe surtout, c’est d’examiner comment on a fait usage des ressources ainsi obtenues. Sous ce rapport, rien n’est à reprendre. Dès à présent on peut féliciter le ministère O’Donnell d’avoir envisagé en face l’une des plus grandes difficultés que lui aient léguées ses devanciers, et de n’avoir pas craint, pour la résoudre, de braver une impopularité qui est l’épouvantail des hommes médiocres et des politiques à courte vue. Le mal du budget espagnol, comme de beaucoup d’autres, hélas ! le mal chronique et invétéré, c’est le déficit. On a beau le déguiser sous l’artifice des combinaisons, établir à côté du budget ordinaire un budget extraordinaire qui comprend les dépenses nouvelles de travaux publics, les approvisionnemens de la guerre et de la marine : la vérité vraie n’en est pas moins que les