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lement négocié à Rome par M. Rios-Rosas et approuvé par la loi du 4 novembre 1859, le gouvernement peut vendre la plus grande partie des propriétés ecclésiastiques à la condition d’accorder en retour des titres de rente 3 pour 100 inaliénables dans une proportion librement débattue. Ce résultat de longues et difficiles négociations mit dans les mains du gouvernement un gage dont l’importance politique est évidente. Il ne faut pas toutefois se dissimuler que le désamortissement constitue un véritable emprunt. Si les propriétés se vendaient à trop bas prix, la rente représentative concédée au propriétaire exproprié serait, à vrai dire, capitalisée à un taux très désavantageux pour le trésor. On a plus d’une fois cité l’exemple des propios, biens des communes, sur lesquels l’état conserve un droit de 20 pour 100; ces biens sont grevés de beaucoup de servitudes et de charges que le gouvernement, avant de vendre les propios eux-mêmes, a rachetées à un taux tel qu’il perd souvent non-seulement ses 20 pour 100, mais qu’il paie en définitive les 80 pour 100 des communes à un tiers au-dessus de leur valeur.

L’autre résolution, qu’il est également utile de rappeler à l’honneur du ministère actuel, et qui avait précédé de quelques mois la loi de désamortissement ecclésiastique, émane, d’une pensée analogue à celles qui, dans les dernières années du gouvernement du roi Louis-Philippe, attestaient une si haute prévoyance pour le développement graduel de tous les services publics. Dans le préambule de la loi du 1er avril 1859, M. Salaverria exposait que, si les grands intérêts sociaux avaient reçu, les années précédentes, une notable impulsion, il s’en fallait de beaucoup qu’elle eût été portée à la limite nécessaire : la dotation des grands services de l’état était trop modique, l’incertitude des ressources extraordinaires mises à la disposition du gouvernement apportait trop d’entraves à l’exécution des travaux indispensables au progrès matériel. Le ministre demandait aux cortès qu’on lui fournît des ressources plus importantes et mieux assurées, et il soumettait un plan d’améliorations générales qui, sur une période de huit années, embrassait toutes les branches de l’administration. Deux milliards de crédits extraordinaires devaient suffire pour augmenter le matériel militaire, les approvisionnemens et les armemens de la marine, réparer les églises, améliorer les établissemens de bienfaisance et les prisons, réparer et achever les routes, les canaux, les ports et les phares. De plus, en présentant la loi du 22 mai 1859, M. Pedro Salaverria demandait l’autorisation d’appliquer aux subventions concédées pour l’établissement des lignes ferrées des obligations spéciales rapportant 6 pour 100 d’intérêt avec 1 pour 100 d’amortissement, et dont l’ensemble pouvait aussi s’élever à la somme de 2 milliards. Ces obligations, desti-