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une valeur efficace ; les puissances catholiques se seraient engagées à fournir des troupes au saint-siège et lui auraient assuré un tribut inscrit sur les grands-livres de la dette publique. La fortune de ces propositions ne fut pas plus heureuse que celle des précédentes. On objectait à Rome, d’après ce qu’ont dit les amis mêmes du saint-siège, que si l’omission du nom de la Romagne impliquait une adhésion quelconque aux événemens accomplis, il n’y avait point lieu à une conférence, et que si ces événemens étaient réprouvés, les puissances devaient constater leur volonté de rendre au souverain pontife les provinces qu’il n’avait plus. À l’offre de contingens militaires on substituait la demande du droit direct d’enrôlement dans les états catholiques, et quant au tribut, la cour de Rome le refusait sous la forme d’une rente inscrite, elle n’acceptait qu’une compensation des anciens droits canoniques perçus sur les bénéfices vacans. Ceci se passait au mois d’avril 1860. On ne pouvait être plus loin de s’entendre, et ces négociations obstinément infructueuses ont laissé aux événemens une liberté dont ils ont largement usé.

D’où procède cette résistance opposée sans cesse par la cour de Rome dans ces phases successives de la crise qu’elle traverse ? Elle n’est que l’expression d’une pensée fixe, invariable et traditionnelle, si bien que ce qu’on dit aujourd’hui, le cardinal Bernetti le disait il y a trente ans, et toutes les fois que l’Europe éclairée, voyant le péril grandir dans les États-Romains, a voulu aider au moins à chercher un remède, elle a rencontré les mêmes réponses. Cette pensée, c’est que le saint-siège est ce qu’il est, et que dans son gouvernement intérieur comme dans son existence territoriale il ne peut renoncer à une parcelle quelconque de son intégrité. Une réforme civile est un démembrement comme la séparation de la Romagne ; une limite est une atteinte à son droit. Il y a mieux, il ne peut y avoir sérieusement une loi dans les États-Romains ; c’est le pontife qui est la loi vivante, le pontife nécessairement complété par beaucoup d’autres autorités, et c’est ce qui explique comment ce que le saint-siège a paru quelquefois accorder en principe est si souvent annulé dans la pratique. Je n’ajouterai qu’un mot : c’est que de cette politique, qui n’est qu’une fidélité exagérée et désastreuse à des traditions qui n’ont rien d’obligatoire religieusement, il résulte cette situation étrange où les deux opinions les plus extrêmes se rencontrent merveilleusement. — La puissance pontificale est absolue et indivisible dans sa double essence, disent les uns ; ce que vous nous demandez quand vous nous parlez de réformes est une diminution de cette puissance ; nous n’avons pas le droit d’y consentir. Nous pouvons essayer, si vous nous pressez trop ; mais il n’en résultera rien de bon. Ce que nous pouvons accorder à l’esprit moderne ne lui suffira pas, et ce qu’il nous demande est incompatible avec les