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viennent, que comme des moyens indifférens dont se sert la Providence pour la garantir dans la tempête. C’est l’attitude naturelle de la papauté : elle se sert de la France et de l’Autriche, et ne les sert pas. Il n’est pas moins certain que le poids d’une politique embarrassée a fait pencher la cour de Rome vers l’Autriche à mesure que les élémens d’incandescence se sont développés en Italie au souffle de l’esprit de nationalité et de l’esprit de progrès intérieur. Les armées impériales sont devenues une ressource permanente que l’Autriche, en habile tacticienne, ne pouvait refuser, et qu’elle a quelquefois imposée. Le pape s’est alors effacé sous l’empereur dans les provinces occupées; les chefs impériaux ont été les maîtres omnipotens servilement obéis : situation périlleuse qui a fini par énerver chez les populations le respect des autorités pontificales, et chez ses autorités elles-mêmes le sentiment de la dignité, de la responsabilité et de l’indépendance de leur gouvernement, au point qu’on a vu des légats négocier comme chose naturelle l’incorporation dans l’armée autrichienne de tous les suspects de Bologne, et ils se lamentaient des refus hautains du maréchal Radetzky.

La nécessité pour l’Autriche de faire face aux manifestations croissantes de l’esprit national et la nécessité pour le saint-siège de se prémunir contre les mouvemens intérieurs ont créé cette solidarité, qui, en se dégageant des détails vulgaires, a trouvé son expression dans le concordat de 1855. Jusque-là ce n’étaient que des occupations, des interventions, des anomalies transitoires après tout. Le concordat était la manifestation d’une politique. Le saint-siège ne voyait pas qu’il cédait à l’occasion perfide d’un trop facile succès, qu’il était vraiment trop victorieux dans tout ce qu’il obtenait pour l’église de l’empereur François-Joseph. On sait aujourd’hui ce que le concordat a été en Italie : l’empereur l’a signé, les autorités autrichiennes ne l’ont pas exécuté; on n’en a tenu compte, et lorsque les évêques de la Vénétie demandaient au saint-siège ce qu’ils devaient faire, la cour de Rome était réduite à leur répondre : « Fermez les yeux en considération des avantages qu’il y a lieu d’espérer. » Les résultats n’ont pas été plus heureux en Allemagne, et qui sait même si l’empereur François-Joseph ne sera pas prochainement conduit à demander à Rome la réforme de l’œuvre de 1855? Religieusement, voilà ce qu’a produit le concordat; politiquement, les Italiens y ont vu un acte de complicité avec la domination impériale, une provocation pour le sentiment national, une déclaration d’incompatibilité entre la papauté temporelle et l’existence de l’Italie indépendante. Il n’est pas même jusqu’à ce caractère cosmopolite revendiqué avec trop d’affectation peut-être dans ces derniers temps pour la papauté, qui n’ait été une occasion de guerre, un danger