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possibles à la restauration des ducs, et qui observait qu’une déclaration aussi solennelle équivaudrait à un encouragement de résistance donné aux Italiens. Le principe n’en était pas moins admis ; il avait pour lui la force des choses, l’acceptation à peu près résignée de l’Autriche, l’attitude expectante et passive de l’Europe, les démonstrations diplomatiques de l’Angleterre, la volonté nette et résolue de la France, manifestée, à partir de Villafranca, à toutes les heures, sous toutes les formes et partout, à Rome comme à Vienne et à Paris, à tel point que selon le témoignage de lord Cowley, dans une dépêche du 18 novembre 1859, l’empereur Napoléon déclarait au prince de Metternich, à Compiègne, que si les Autrichiens passaient le Pô pour aller à Florence ou à Modène, c’était la guerre avec la France.

Or ce principe de non-intervention, ainsi affirmé à la face du monde, c’était la liberté laissée aux Italiens, c’était la péninsule maîtresse de sa destinée. À la lumière de cette stipulation, dégagée par degrés de ses obscurités, et dont nul ne pouvait prévoir encore l’élastique et redoutable puissance, les préliminaires de Villafranca prennent un sens entièrement nouveau. Interrogé dans son esprit, dans son essence, dans son rapport avec le principe qui le complétait et le pénétrait en quelque sorte, ce traité, à vrai dire, n’était synallagmatique que sur un point, en ce sens que les concessions de gouvernement libéral et national promises par l’Autriche à la Vénétie se liaient étroitement à la restauration des princes dépossédés et à l’organisation de la fédération italienne ébauchée à Villafranca. Quant à la cession de la Lombardie, par la forme que le cabinet de Vienne lui-même avait tenu à lui donner, elle restait irrévocable, indépendante de toute éventualité, et placée désormais sous la garantie de la France, unique cessionnaire vis-à-vis de l’Autriche. C’était le prix de la guerre demeurant au bout de notre épée, et certainement couvert par elle si l’on y touche.

Ainsi la Lombardie placée sous le séquestre tutélaire de la France, la Vénétie restant à la couronne d’Autriche et pouvant se rattacher éventuellement à une confédération, l’Italie conviée à cette organisation fédérative, à la restauration des anciens pouvoirs, mais libre aussi de se prononcer et garantie contre toute pression de la force, c’était là vraiment la situation au lendemain de Villafranca : situation étrange, merveilleuse, où les Italiens, assurés dans tous les cas du minimum de leurs espérances, se trouvaient en quelque sorte sommés par leur fortune de choisir entre une réalisation incomplète, peut-être précaire, de leur rêve immortel et l’entraînement du patriotisme, enflammé à l’idée de marcher au but par un autre chemin. C’est alors que l’Italie, revenue d’un moment de surprise, se lève avec