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ment, font seules varier ses caractères physiques ; toutefois ils paraissent leur accorder des lieux d’origine divers. Quant aux seconds, leur opinion sur ce sujet découlait de croyances religieuses communes à toutes les nations qui s’occupaient alors de science. Juifs, chrétiens, mahométans, voyaient également dans Adam le père de tous les hommes. En fait, l’unité de l’espèce humaine était donc pour eux un dogme admis au même titre que tous ceux qu’ils avaient puisés dans un livre également sacré pour tous, dans la Bible.

Un jour vint cependant où l’autorité séculaire de ce livre fut attaquée et niée avec une violence souvent aussi aveugle que la foi qu’il avait si longtemps inspirée. Si une partie des classes intelligentes continua de chercher dans la Bible la solution absolue de toutes les questions, même de celles qui sont le plus en dehors des doctrines religieuses bien comprises, une autre partie de ces mêmes classes se mit à rejeter sans examen tout ce qu’elle y voyait ou croyait y voir. Ce défaut de critique éclairée, commun aux deux camps, devait entraîner des résultats semblables. La négation et l’affirmation, également dépourvues de base, conduisirent souvent les deux partis à l’absurde dès qu’il s’agissait de questions scientifiques. Si, pour demeurer d’accord avec le texte de Josué, les docteurs bibliques soutinrent l’immobilité de la terre et le mouvement du soleil, les philosophes anti-bibliques, pour pouvoir nier le déluge, ne voulurent voir dans les amas de fossiles qui constituent des montagnes entières que la trace du passage de quelques pèlerins qui avaient perdu leurs coquilles. — Sur le terrain de l’exégèse scientifique, les libres penseurs n’ont pas grand’chose à reprocher aux dévots.

Ces faits et bien d’autres que je pourrais rappeler sont fertiles en enseignemens. D’une part, ils montrent le danger que l’on court à vouloir souder trop intimement le dogme à la science. Le premier relève avant tout de la foi, et par conséquent du sentiment ; il est de sa nature absolu et affiche la prétention d’être immuable. La science est fille de l’expérience et du raisonnement ; elle a ses doutes et ses réserves, elle est surtout essentiellement progressive, c’est-à-dire changeante et sujette à des transformations. Toute union entre elle et le dogme ne peut donc que préparer des déchiremens inévitables et douloureux. Les textes sacres ne se prêtent pas toujours aux interprétations, parfois spirituelles, parfois aussi puériles, qu’on accueille aujourd’hui avec tant de faveur. Ces interprétations elles-mêmes, acceptables un jour, sont souvent démenties le lendemain par quelque nouveau progrès, et l’opposition qu’on a voulu dissimuler n’en ressort que plus clairement. Laissons donc à chacun son domaine, — au savant la science, au théologien la théologie.

Certes, en m’exprimant ainsi, je suis loin de vouloir dire qu’il y