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du pays. Il y a là des paysans qui écrivent avec un rare bon sens, quelquefois avec une netteté et même une élégance remarquables. Un d’entre eux, Anti Manninen, s’est acquis de la sorte une véritable renommée littéraire que plusieurs ouvrages d’économie rurale par lui publiés ont étendue et confirmée. Après le Suometar viennent le Suomen Julkisia Sanomia, c’est-à-dire le Journal officiel de Finlande, fondé il y a quelques années par le gouvernement finnois à Helsingfors; — le Sanomia Tarusta, ou Journal d’Abo ; — le Haemaelaeinen, ou Tavastien, qui parait à Tavastehus, sous l’habile direction de M. Eurén, philologue et publiciste distingué; — le Oulun Wäkko-Sanomat, ou Journal hebdomadaire d’Uteaborg. C’est sans doute le journal le plus septentrional du monde après celui de Romsö en Norvège; il est rédigé avec une grande habileté par M. Le pasteur Baeckuall, etc. — Parmi les recueils périodiques, il faut nommer le Suomi, ou la Finlande, servant d’organe à la Société de littérature finnoise fondée en 1831, que nous avons déjà nommée. Ce recueil s’imprime soit en finnois, soit en suédois; il comprend des mémoires surtout historiques et littéraires. Le Mehilaeinen, c’est-à-dire l’Abeille, est rédigé principalement par MM. Polén, Koskinen et Lavonius. Le Literatar-blad enfin, publié en suédois par M. J. G. Snellman, philosophe et critique remarquable, admet quelquefois aussi des articles en langue finlandaise, et se dévoue d’ailleurs entièrement aux intérêts intellectuels, moraux et religieux de la cause nationale.

Les journaux que nous venons de citer, et bien d’autres encore dont la liste se fût trouvée ici trop longue, ont pour abonnés et pour lecteurs fort assidus les paysans de l’intérieur de la Finlande, car nous ne parlons pas ici principalement des villes, qui lisent aussi des journaux suédois imprimés en Finlande, ou qui reçoivent les feuilles étrangères, toujours, bien entendu, selon le bon vouloir de la censure. Les feuilles finnoises viennent animer et instruire les pères de famille dans leur isolement au milieu de vastes déserts. C’est le prêtre de la paroisse qui reçoit les cotisations de chaque village et à qui la poste apporte de la ville la moins éloignée les différens journaux. On arrive le dimanche de tous les points de la paroisse à l’église, construite d’ordinaire sur une hauteur voisine de quelque point de débarquement, sur la rive d’un de ces lacs, innombrables en Finlande, qui font communiquer entre eux hiver et été les différens hameaux. Chaque père de famille amène les siens dans sa barque ou dans son traîneau. Avant de mettre pied à terre, on refait en un instant la toilette des femmes et des enfans, puis chaque groupe monte vers l’église. On entend l’office, on chante le psaume, on écoute le pasteur. A la sortie du temple, on reçoit les journaux arrivés de la ville. Les plus pressés en font déjà la lecture, et si les événemens sont graves, s’il s’agit, par exemple, de la guerre d’Orient, d’un traité, du roi Oscar avec les puissances occidentales, de vastes projets, d’espérances inattendues et hardies, on se groupe, on se consulte, on se prépare ensemble à l’avenir. Sinon, les journaux une fois distribués et reçus, on descend vers les traîneaux ou les barques; alors commence un exercice traditionnel et favori, une lutte de vitesse : les avirons battent les eaux du lac de leurs coups répétés, ou bien les traîneaux sillonnent rapidement la glace; les juges du camp sont, avec le pasteur, ceux qui habitent auprès de l’église ou qui s’en vont à pied par la rive, et les lutteurs eux--