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aux détails des dispositions arrêtées et d’en apprécier surtout la portée générale. La pensée-mère du décret est nettement exprimée dans le préambule. Il s’agit de donner aux grands corps de l’état une participation plus directe à la politique générale du gouvernement. La réalisation de cette pensée est assurée au moyen des adresses où les corps de l’état exprimeront leur avis sur la politique du gouvernement après avoir entendu les explications que les commissaires du pouvoir exécutif auront présentées sur la politique intérieure ; et extérieure de l’empire. Il est pourvu à la communication morale qui doit exister entre les assemblées et le pays par la publicité des débats. Il y a là les rudimens essentiels d’un système parlementaire ; peu nous importe que les rouages institués par le décret soient insuffisans ou incomplets. La machine constitutionnelle se fera à la pratique. La nature et la force des choses rendront progressivement aux assemblées la part d’initiative qui peut leur être encore trop avarement mesurée, et finiront bien, s’il le faut, par amener le cabinet tout entier dans le parlement. Nous n’avons pas la prétention de nous ériger en précoces Delolmes du supplément qui vient d’être donné à notre constitution. Nous ne pouvons pourtant nous dérober à la tentation de rechercher quelles seront par exemple ? Les conséquences du système des ministres orateurs et des ministres agissant.

C’est là, au point de vue pratique, l’anomalie la plus apparente du décret. On ne comprend pas au premier abord comment pourra fonctionner ce double cabinet, formé, derrière le rideau, de ministres qui feront les affaires sans les exposer et les défendre dans les délibérations législatives, et sur la scène de ministres qui ne feront rien, mais qui viendront expo er et défendre les actes de leurs collègues. Il semble que l’on ait voulu diviser l’indivisible, et demander à la nature humaine et à la nature des choses plus qu’elles ne peuvent donner. Nous ne serions pas surpris, quant à nous, que ce système imaginé pour éviter ce que l’on appelle dans le régime parlementaire la responsabilité ministérielle, et pour assurer la bonne expédition des affaires, ne nuisît au contraire à la conduite des affaires, et n’aboutît nécessairement à la responsabilité ministérielle et à la formation de véritables cabinets parlementaires sous la conduite d’un premier ministre. Notre conclusion paraîtra peut-être paradoxale ; nous croyons qu’on peut dès à présent la justifier.

La constitution actuelle n’a pas encore reconnu la responsabilité ministérielle, et c’est probablement à cette circonstance que nous devons l’institution transitoire des ministres de l’action et des ministres de la parole. D’après la constitution de 1852, les ministres ne sont responsables qu’envers l’empereur, lequel assume vis-à-vis de la nation l’entière responsabilité de son gouvernement. La responsabilité est nécessairement proportionnée au pouvoir, et à ce point de vue la constitution de 1852 est parfaitement logique ; mais les chambres ont, elles aussi, des pouvoirs considérables : la sénat peut réviser la constitution, le corps législatif vote l’impôt. En leur donnant le droit d’adresse, en les appelant à participer plus directement à la